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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 16:45

Commercialisé depuis 1976, le Mediator, un médicament présenté comme anti-diabétique mais surtout prescrit comme coupe-faim, a été retiré du marché fin 2009. Il serait responsable de 500 à 2 000 morts. Interview d’Irène Frachon, pneumologue à Brest, qui a révélé l’histoire dans un livre, « Mediator, 150 mg. Sous-titre censuré » (éd. Dialogues, 15,90 €).

Comment une telle affaire a-t-elle pu se produire  ?
Les experts sont souvent des gens très compétents, mais ils ont des liens d’intérêt avec les firmes pharmaceutiques importants et permanents. Même quand ces liens ne reposent pas sur des questions d’argent mais sur de l’amitié, il ne peut pas y avoir d’indépendance de jugement, ni de «  bonne foi  » présumée.
En novembre 2009, au moment où le Mediator allait être interdit en France, j’ai entendu un cardiologue, leader d’opinion, affirmer devant une commission de l’Agence de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) qu’on pouvait continuer à le vendre. Il était consultant pour le laboratoire Servier, qui commercialisait ce médicament.
Mais d’autres éléments ont joué : si on avait su en lisant la notice du médicament ou dans le Vidal que le Mediator appartenait à la même classe que l’Isoméride, un coupe-faim également commercialisé par Servier et interdit depuis 1997, il n’aurait pas fallu six mois pour qu’il soit retiré du marché. Mais encore fallait-il que l’Afssaps contrôle les informations données par Servier, qui affirmait l’inverse. Ce qu’elle n’a pas fait. J’ai été frappée aussi par la crainte exprimée par les autorités de santé vis-à-vis des éventuels recours et pressions du laboratoire en cas de décision de suspension.
Comme si la crainte du lobby pharmaceutique était plus importante que celle de laisser un produit dangereux sur le marché.

A quels obstacles vous êtes-vous heurtée lorsque vous avez décidé d’alerter sur la dangerosité du Mediator  ?
A l’inertie, à la culture du secret et du cloisonnement. J’ai dû aller six fois à l’Afssaps avant qu’elle ne réagisse. On savait depuis 1998 que le Mediator était potentiellement dangereux. L’Afssaps détenait des informations très importantes, qu’elle n’a pas jugé bon de diffuser. C’est pourtant dans ses prérogatives de prévenir des risques.
Ce qui me frappe aussi, c’est la condescendance avec laquelle les quelques médecins – je n’ai pas été la première – qui ont donné l’alerte ont été traités. L’Afssaps a tardé à prendre en considération nos observations, puis elle nous a demandé de faire études sur études alors que nous arrivions avec des évidences et que d’autres pays avaient déjà retiré le Mediator du marché. C’était démentiel. Mais c’est apparemment souvent ainsi que ça se passe même si ça paraît invraisemblable.

Comment rendre l’expertise plus efficace  ?
Il faut peut-être imaginer avoir un avis filtré par des experts indépendants qui soient des fonctionnaires de l’Etat, très bien formés sur le plan de la méthodologie, avec des règles de déontologie très strictes, notamment concernant les liens avec l’industrie.
Il faut que la transparence sur les experts liés aux laboratoires soit totale, que l’on sache avec qui ils travaillent, ce que les firmes leur versent personnellement, combien leurs unités de recherche touchent…
Actuellement, les déclarations sur les conflits d’intérêt ne sont pas contrôlées, la mise à jour est irrégulière, on ne connaît ni les montants versés, ni les détails. Il faut également que les expertises rendues puissent être consultées, tout comme la base des cas indésirables notifiés, sinon c’est la porte ouverte à des catastrophes comme celle du Mediator.

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