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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 11:20

2010

«Tu restes là, où je t’attache», lâche une aide-soignante. Les médecins psychiatres sont peu présents. Bien sûr, on va dire que c’est la faute au manque de personnel. Mais tout le monde s’y habitue. Charlotte, une patiente, restera enfermée pendant quinze jours, comme ça, sans raison. Elle s’arrache les ongles, mais personne ne s’en occupera. C’est ainsi. Un malade passera un mois à réclamer d’aller à la cafétéria, distante de 30 mètres. Mais il n’ira jamais. Faute d’avoir été examinée, une malade qui se plaignait de douleurs au ventre se retrouvera peu après trente jours en réanimation pour une septicémie non diagnostiquée. «C’est terrible comme on travaille mal», murmure un élève-infirmier.

La télé borderline sur la folie


C’était vendredi soir, lors de la réunion mensuelle du collectif de la Nuit sécuritaire, un groupe de 39 «psys» qui s’est constitué en réaction au discours très sécuritaire de Nicolas Sarkozy en décembre 2008 à l’hôpital psychiatrique d’Antony (Hauts-de-Seine). L’idée était de regarder le documentaire de l’émission les Infiltrés, diffusée ce soir sur France 2, dans laquelle un journaliste, se faisant passer pour un aide-soignant, était resté un mois dans un service de psychiatrie de l’hôpital d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Et selon le concept contesté de l’émission, il avait filmé en caméra cachée.
Hervé Bokobza, porte-parole du groupe des 39, s’était montré réticent : «Je crains le pire. Pujadas m’avait invité pour débattre après la diffusion de leur documentaire mais je n’ai pas voulu y aller. Une caméra cachée dans un service de grands fous, cela me déplaît. Dans n’importe quel service, on peut montrer des images terribles.»

Ce soir-là, ils étaient donc réunis. Et ils ont regardé. D’abord, un rien goguenards, ensuite effondrés. «J’ai envie de pleurer, et surtout de tout casser, lâche Michel Guyader, chef de service de psychiatrie à l’hôpital d’Etampes (Essonne). C’est une honte. Cela me rappelle douloureusement la malfaisance qui prévaut dans bon nombre de services.» Hervé Bokobza, brutal : «On ne veut pas de cette psychiatrie-là.» Mathieu Bellahsen, jeune interne en psychiatrie : «Quand on voit ces images, c’est comme un coup de poignard. Et ce qui me terrifie, c’est que j’ai vécu ça, il n’y a pas longtemps, avec des malades à l’abandon…» A l’abandon, c’est bien le mot. Et le juste titre de l’émission de ce soir : Hôpital psychiatrique : les abandonnés.

Cafétéria.

Ce reportage est terrible, car anodin. Il ne s’y passe rien. Voilà des malades, la plupart enfermés dans leurs chambres, au gré des humeurs des aides-soignantes ou des infirmières. Ce n’est pas bien méchant, c’est juste terrifiant. «Tu restes là, où je t’attache», lâche une aide-soignante. Les médecins psychiatres sont peu présents. Bien sûr, on va dire que c’est la faute au manque de personnel. Mais tout le monde s’y habitue. Charlotte, une patiente, restera enfermée pendant quinze jours, comme ça, sans raison. Elle s’arrache les ongles, mais personne ne s’en occupera. C’est ainsi. Un malade passera un mois à réclamer d’aller à la cafétéria, distante de 30 mètres. Mais il n’ira jamais. Faute d’avoir été examinée, une malade qui se plaignait de douleurs au ventre se retrouvera peu après trente jours en réanimation pour une septicémie non diagnostiquée. «C’est terrible comme on travaille mal», murmure un élève-infirmier.
De fait, ce docu n’est pas le premier du genre. Depuis quelques semaines se multiplient les enquêtes sur l’effondrement de la psychiatrie publique en France. Il y a eu le travail très politique d’un monde sans fous ? de Philippe Borrel, diffusé sur France 5 ; puis, la semaine dernière, sur Arte, celui d’Ilan Klipper qui s’est immergé pendant plusieurs mois à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Et maintenant, donc, les Infiltrés. Comme si d’un coup un couvercle de silence sautait.

Cause.

Bien sûr, ce tir groupé peut paraître injuste, car il y a des lieux où la folie est reçue comme une forme d’humanité. «Il n’empêche, il faut voir ces films», reconnaît Hervé Bokobza. Le Dr Alain Mercuel, psychiatre à Saint-Anne, effondré lui aussi : «On nous montre surtout des services fermés qui ne concernent que 15 % des patients. Pour autant, ce qui me fait mal, c’est la pauvreté du niveau relationnel entre les soignants et les patients. Quand on entend un infirmier intimer l’ordre à un malade de baisser d’un ton, c’est comme s’il demandait à un fiévreux de baisser sa température.» Tous le disent et le répètent, la crise budgétaire est la principale cause de ce délaissement : comment, en effet, faire vivre un service de 28 patients, avec deux aides-soignants, la nuit, comme à l’hôpital d’Aulnay ? A l’hôpital Saint-Anne, pourtant, les moyens en personnel ne manquent pas. C’est plutôt un manque criant d’hospitalité qui ressort… Là comme ailleurs.

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