Selon une étude publiée par le JDD, 58% des Français renoncent à prendre rendez-vous avec un médecin spécialiste en raison des délais. Et la situation pourrait empirer dans les années à venir.
Les salles d'attente ne désemplissent pas chez les médecins spécialistes. Selon une étude publiée ce dimanche dans le JDD, 58% des Français renoncent à prendre rendez-vous en raison des délais d'attente. Il faudrait, en effet, compter 103 jours pour voir un ophtalmologiste, 51 jours pour un gynécologue ou 38 jours pour un dermatologue. "Et encore, ce n'est qu'une moyenne, s'insurge Jean Bernard Rottier, le président du syndicat national des ophtalmologistes, dans certaines régions comme dans le Nord ou l'Est de la France, il faut compter entre 9 mois et un an pour obtenir un rendez-vous."
"On paye aujourd'hui les conséquences d'une mauvaise gestion de la démographie médicale, assure Jean-François Rey, le directeur de l'Union médicale des spécialistes confédérées. Dans les années 1990, l'assurance maladie, encouragée par les économistes de la santé, a poussé le gouvernement à fermer le numerus clausus à l'entrée du concours pour réduire le nombre de médecins. Ils partaient du principe que moins il y a de médecins, moins il y a d'ordonnances et donc plus les dépenses de santé baissent". Si aujourd'hui le numerus clausus se situe autour des 7400, le nombre d'étudiants en médecine est tombé dans les années 1990 à 3500. Parmi eux, près de la moitié ont décidé de devenir généraliste. Les autres ont choisi parmi les dix autres grandes spécialités proposées après le concours de l'internat. Et, comme entre 10 et 14 ans minimum sont nécessaires pour former un spécialiste, ceux qui ont démarré leurs études dans les années 1990 arrivent au compte-goutte sur le marché du travail.
AFP/Archives/Denis Charlet
Pas d'amélioration avant 2020
Selon les projections de la Dress, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la pénurie n'est est qu'à ses débuts: le nombre de spécialistes en 2030, sera inférieur de 2,7% à son niveau de 2006. Et dans certaines spécialités, les chutes annoncées sont à deux chiffres: les prévisionnistes tablent sur une baisse de 35% pour les ophtalmologistes, de 32% pour les dermatologues ou de 30% pour les rhumatologues.
On en est qu'on début de la crise, mais dans les deux ou trois ans qui viennent, ça va vraiment être l'horreur
D'autant que les jeunes rechignent de plus en plus à s'installer dans le privé: "60% des médecins sont aujourd'hui des femmes. La majorité d'entre elles, préfèrent exercer à l'hôpital plutôt que d'ouvrir leur cabinet. La fonction publique propose un salaire tout à fait correct et des horaires fixes, contrairement au privé", assure Jean-François Rey. Selon la Dress, en 2030, seuls 28,5% des spécialistes s'installeront dans le privé (contre 33,6% en 2006).
En ophtalmologie, l'une des spécialités les plus touchées par la pénurie, l'heure est à la colère: "Ca fait dix ans qu'on signale qu'il va y avoir une véritable pénurie mais aucun gouvernement n'a levé le petit doigt", s'insurge le président du syndicat national des ophtalmologistes. Et d'ajouter: "Là, on en est qu'on début de la crise, mais dans les deux ou trois ans qui viennent, ça va vraiment être l'horreur". Selon les premières estimations, il faudra attendre 2020 pour voir la situation s'améliorer.
Une situation d'autant plus inquiétante qu'avec le vieillissement de la population les besoins seront plus importants: "En 2020, un tiers de la population ne pourra accéder facilement à des soins ophtalmologiques", estime Jean-Bernard Rottier, le président du syndicat national de l'Ordre des médecins.