Bis repetita. Deux ans après le scandale du Mediator et la promesse faite par Xavier Bertrand, alors ministre de la santé, de réformer en profondeur le système de sécurité sanitaire, l'affaire des pilules de 3e et 4e génération montre à quel point la politique du médicament en France ne tourne pas rond. Il devait y avoir un avant et un après-Mediator : ce n'est toujours pas le cas.
Comme d'habitude, il a fallu un drame – en l'occurrence l'histoire du combat judiciaire d'une jeune femme de 25 ans devenue handicapée à la suite d'un accident vasculaire cérébral dû à la prise d'un contraceptif oral de 3e génération – pour que l'on découvre que le surrisque de ces pilules était connu depuis des années et que les recommandations des autorités sanitaires n'étaient pas entendues. Pis, c'est en France que ces pilules sont le plus massivement prescrites. Bref, on a laissé faire.
Cette affaire, comme lors de chacune de ces crises sanitaires dont notre pays a le secret, démontre tous les travers du système de surveillance du médicament. Alors que, depuis 2001, plusieurs études étrangères soulignaient que les pilules de 3e et 4e génération augmentaient le risque de thrombose et d'embolie pulmonaire, on a laissé s'envoler les prescriptions sans que ni l'assurance-maladie (qui dispose des chiffres) ni le ministère ne réagissent face à ce dérapage. Leur usage devait être l'exception, celle-ci est devenue la règle.
Comme dans le cas du Mediator, Prescrire – seule revue médicale indépendante – avait pourtant tiré le signal d'alarme. Quant aux recommandations émises en 2007 par la Haute Autorité de santé de ne pas délivrer ces pilules en première intention, elles ont été comme étouffées par le poids du marketing des firmes pharmaceutiques, relayées par de médiatiques gynécologues qui "oublient" de déclarer leurs conflits d'intérêts.
"Grâce à ses nombreux "relais" à toutes les étapes de la vie d'un médicament, l'industrie pharmaceutique dicte son tempo : elle impose les données cliniques et les indications aux agences sanitaires, négocie le prix et le remboursement avec l'Etat, assure la promotion via des leaders d'opinion et entretient la notoriété du médicament auprès des prescripteurs et des patients", résume, dans un communiqué publié jeudi 10 janvier, le Syndicat national des jeunes médecins généralistes.
Avant qu'un nouveau scandale ne survienne – et le prochain pourrait bien être celui des benzodiazépines, comme l'explique notre enquête dans le supplément "Science & techno" –, il serait temps que le médicament et la pharmacovigilance occupent une vraie place dans les facultés de médecine. Que la formation continue des médecins soit indépendante des laboratoires. Que la transparence soit de mise sur les conflits d'intérêts. Enfin, que le système de déclaration des effets indésirables des médicaments aux agences sanitaires soit réorganisé, afin d'en finir avec les prescriptions inadaptées et la surconsommation médicamenteuse.
Plusieurs rapports de l'IGAS et du Sénat ont pointé avec force les dérives de la politique du médicament. Cessons de nous étonner des dysfonctionnements à chaque crise sanitaire. L'affaire des pilules de 3e et 4e génération inquiète les femmes. Il serait temps de les informer, en toute transparence, sur le choix de leur contraception.