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15 janvier 2013 2 15 /01 /janvier /2013 18:58

Le Point.fr - Publié le 14/01/2013

Les pilules de 3e et 4e générations sont prescrites massivement, alors que leur danger est établi depuis des années. Un médecin indépendant explique pourquoi.

Pilule de 3e et 4e générations : un mécanisme "comparable à celui du Mediator", dénonce Philippe Foucras, à la tête d'un collectif pour une médecine indépendante (Photo d'illustration).

Pilule de 3e et 4e générations : un mécanisme "comparable à celui du Mediator", dénonce Philippe Foucras, à la tête d'un collectif pour une médecine indépendante (Photo d'illustration). © Florence Durand / Sipa

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Philippe Foucras, médecin généraliste, a enseigné la médecine générale durant sept ans avant de démissionner, écoeuré par les compromis des enseignants avec les laboratoires pharmaceutiques. Il fonde alors en 2004 le Formindep, collectif qui oeuvre "pour une formation et une information médicales indépendantes". Interview.

Le Point.fr : Le scandale des pilules de 3e et 4e générations concerne 1,7 million de femmes qui la prennent en France. Comment en est-on arrivé là ?

Philippe Foucras : C'est le même mécanisme, savamment orchestré par les firmes pharmaceutiques, que celui de tous les scandales sanitaires. On sait depuis longtemps que ces pilules sont plus risquées, les autorités le reconnaissent, on dérembourse, mais on continue à laisser ces médicaments sur le marché. Cette situation s'est déjà produite en 1999 pour l'affaire Mediator, où les différentes institutions ont attendu dix ans pour prendre enfin la décision du retrait. Dix ans de trop pour les victimes !

Vous mettez en cause certains spécialistes très en vue, devenus porte-parole des laboratoires...

Il ne fait aucun doute que d'éminents gynécologues ont été influencés dans leurs discours par les laboratoires qui les rémunèrent comme consultants ou formateurs. Lors de congrès, de formations ou à travers des publications, des revues professionnelles, le Web, des interviews, ils ont véhiculé les avantages des pilules de 3e et 4e générations auprès des gynécologues et du grand public tout en minimisant leurs risques. Depuis un mois, en pleine polémique, plusieurs de ces leaders vont jusqu'à nier l'évidence scientifique, arguant d'un niveau de preuves insuffisant ou encore d'un alarmisme déplacé !

Ces mécanismes d'influence sont-ils plus prégnants en gynécologie ?

Non, c'est général, mondial et cela touche toutes les spécialités et tous les médecins. Cependant, les laboratoires investissent massivement sur les activités les plus lucratives, comme la cardiologie ou la gynécologie, un vaste marché qui touche potentiellement toutes les femmes en bonne santé de 15 à 45 ans.

Comment s'exerce l'influence des labos et des leaders d'opinion ?

C'est à l'université que certains pontes exercent leur influence via les cours qu'ils prodiguent, la façon d'aborder les pathologies, les protocoles qu'ils conseillent. C'est le lieu où s'exerce l'influence la plus forte. Si les "bébés médecins" sont nourris au biberon de l'industrie, ils se sèvreront plus difficilement par la suite...

L'hôpital est-il préservé de ces influences ?

Non, au contraire ! Les CHU (centres hospitaliers universitaires) sont des lieux "d'occupation" importants. Des réunions de service hebdomadaires des services de CHU, qui permettent de discuter des cas cliniques ou d'échanger, sont organisées par les labos qui font intervenir leurs propres experts et décident des thèmes. Souvent, les étudiants en médecine sont obligés d'y participer pour valider leurs examens ! Cette publicité est blanchie par les responsables de ces services qui reçoivent en échange des aides pour financer leurs équipements...

Tous les médecins sont donc sous l'influence des laboratoires ?

Non, fort heureusement ! Mais l'exercice est compliqué : une fois sorti de l'emprise universitaire, le médecin devra encore se méfier des multiples formations et congrès qui lui sont offerts ou encore de la presse professionnelle, exclusivement financée par l'industrie, mis à part le mensuel indépendant Prescrire.

Quels sont les moyens déployés par les firmes pharmaceutiques en France ?

Alors que la Haute Autorité de santé (HAS) dispose d'environ 150 millions d'euros par an, les firmes dépensent au bas mot trois milliards d'euros par an pour promouvoir leurs nouveautés en France et au moins 25 000 euros par généraliste. Cela va du simple restaurant offert à un médecin de province à des rémunérations qui se comptent en centaines de milliers d'euros pour les prestations de conseils ou de formations de certains grands pontes hospitalo-universitaires. Le pire, c'est que souvent ces personnes s'imaginent indépendantes et pensent avoir gardé leur libre arbitre. Or, on est tous influençables, il faut le savoir pour s'en protéger. Certaines agences de communication proposent même aux labos des sortes de catalogues de médecins leaders d'opinion au niveau mondial, national et régional. De futurs partenaires et relais essentiels.

À qui peut se fier le grand public désormais ?

Les instances publiques françaises ont fait beaucoup d'efforts, mais ont encore d'énormes lacunes, car les firmes sont constamment présentes auprès des organismes publics et des politiques. Je viens de participer à deux réunions de travail au ministère de la Santé pour l'élaboration d'un décret de loi sur la transparence de ces liens d'intérêt justement. J'en ressors profondément choqué : j'ai vu des fonctionnaires du ministère de la Santé noter quasiment sous la dictée des industriels les lois de la République... Au niveau européen, c'est souvent pire, car le contrôle citoyen s'effectue encore moins.

Vous citez des contrats entre les labos et les associations de patients...

Les associations de patients sont quasiment toutes financées si ce n'est créées par les firmes, sauf les associations de victimes de médicaments, bien sûr. J'ai rencontré un ancien cadre de l'industrie Pharma dont le métier consistait justement à créer des associations de patients selon les pathologies ciblées par les labos. Même quand des règles sont mises en place, les industriels les contournent, c'est comme des cambrioleurs qui s'adaptent aux antivols.

Un mot sur les médias ?

Vous avez aussi votre responsabilité quand vous donnez la parole à ces leaders d'opinion en lien avec les labos. En effet, la loi exige qu'à chaque prise de parole, vous demandiez leurs liens d'intérêt aux professionnels de santé, ce qui n'est jamais fait. À ce propos, je déclare n'avoir aucun lien d'intérêt, comme vous l'aurez sans doute compris...

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