Parmi les nouveaux médicaments mis sur le marché, un sur cinq ne devrait pas être autorisé car trop dangereux, a annoncé ce jeudi matin la revue médicale indépendante Prescrire. Cette rédaction, désormais célèbre pour avoir contribué à révéler l'affaire du Mediator, organisait, à Paris, sa manifestation annuelle.
La liste des 10 médicaments à retirer du marché
Le responsable de l'évaluation des nouveautés, Gilles Mignot, a indiqué que, "sur les nouvelles spécialités examinées depuis cinq ans par Prescrire, environ 20% n'auraient pas dû obtenir d'autorisation de mise sur le marché (AMM), à cause d'une balance bénéfices-risques défavorable." Il constate une aggravation du phénomène au cours de la dernière décennie, précisant que, jusqu'en 2000, la proportion ne dépassait pas 1 à 2%. Et l'orateur d'enfoncer le clou: "l'innovation thérapeutique est en panne".
"Je me demande même si notre exigence ne s'est pas un peu émoussée au fil du temps..."
"L'attention médiatique portée à cette affaire la [Irène Frachon] protégeait de possibles représailles... en tout cas pour le moment".
Prescrire n'a d'ailleurs pas décerné cette année sa "pilule d'or" faute de candidat à la hauteur. Le trophée récompense en effet un médicament "constituant un progrès thérapeutique décisif dans un domaine où les praticiens étaient particulièrement démunis". Il n'a été attribué que 2 fois au cours de la dernière décennie (2000 à 2010), contre 3 fois durant la précédente (1990 à 1999) et 6 fois durant celle d'avant (1981 à 1989). Les nouveaux médicaments seraient-ils devenus à ce point décevants? Ou bien la revue médicale pousserait-elle la sévérité trop loin? Devançant la question, Gilles Mignot a souligné que "le réglement de nos palmarès n'avait pas changé". Et d'ajouter, provocateur: "Je me demande même si notre exigence ne s'est pas un peu émoussée au fil du temps..."
Une fois n'est pas coutume, l'austère revue Prescrire, propulsée sur le devant de la scène par l'onde de choc du Mediator, a fait quasiment salle comble. L'intervention annoncée d'Irène Frachon, le médecin de Brest ayant dénoncé les méfaits du médicament, y a sans aucun doute contribué. La nouvelle icône d'une médecine indépendante de l'industrie pharmaceutique n'a pourtant pas joué les stars. Portant un simple badge à son nom, comme tous les participants à la manifestation, elle s'est contenté d'une présentation très scientifique, diapositives à l'appui, de son enquête sur le Mediator. Interrogée sur d'éventuelles manoeuvres d'intimidation ou des menaces à son égard, elle a déclaré ne pas en avoir subi directement, en dehors de la censure du sous-titre de son livre, Mediator 150mg, combien de morts. Irène Frachon a confié à L'Express, en aparté, "que l'attention médiatique portée à cette affaire la protégeait de possibles représailles... en tout cas pour le moment".