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27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 17:06

La psychanalyse aura marqué le 20e siècle. C’est à partir de 1895 que Sigmund Freud développe sa théorie qui sera ensuite reprise sous des formes très variées, parfois antagonistes quant à leurs principes, en fonction des écoles et des thérapeutes. Après avoir largement régné, au milieu du siècle, dans le monde de la psychologie et de la psychiatrie, la psychanalyse a été progressivement remise en cause, en particulier dans les pays anglo-saxons, avec le développement de la psychologie expérimentale, et plus généralement, celui de la médecine fondée sur les faits (evidence-based medecine).

À l’orée du 21e siècle, dans la majorité des pays, la psychanalyse n’est plus enseignée comme une théorie fondamentale dans les cursus médicaux ou psychologique. Certains pays font encore exception, en particulier la France et l’Argentine. Toutefois, le même mouvement se dessine maintenant en France, avec les mêmes causes : les avancées de la médecine scientifique, celle qui se soucie d’évaluer et valider ses résultats sur la base d’expériences.

Analyses psychologiques et psychanalyses : un capharnaüm (Jacques Van Rillaer) p. 4
La Chute de la Maison Freud (Jacques Bénesteau) p. 13

Des prétentions scientifiques infondées

La psychanalyse se prétend une théorie scientifique de l’esprit, de l’inconscient et des comportements humains. Or, sur le plan scientifique, elle possède tous les attributs d’une pseudo-science : elle récuse ce qui fonde la méthode scientifique habituelle ; elle se retrouve en contradiction avec les connaissances scientifiques acquises dans d’autres domaines (anthropologie, psychologie du développement, neurologie, génétique). Sur le plan de ses concepts, la psychanalyse navigue souvent entre chamanisme et parapsychologie.

La parapsychologie freudienne (Michel Onfray) p. 21
Le dualisme méthodologique peut-il sauver la psychanalyse ? (Jean Bricmont) p. 30
Darwin, Freud et l’évolution (Pascal Picq) p. 36
Développement cognitif : Interactions génétiques et psychosociales (Franck Ramus) p. 50
La neuropsychanalyse, un « faux nez » pour la psychanalyse ? (Laurent Vercueil) p. 58
Amnésie infantile ou fariboles freudiennes ? (René Pommier) p. 66
En complément sur le site
Freud exorciste de l’inconscient (Patrice Van den Reysen)

Les prétentions thérapeutiques : une imposture entre occultisme et suggestion

En imposant ses explications et ses méthodes thérapeutiques, la psychanalyse a empêché la mise au point ou le développement de traitements adaptés, la prise en charge appropriée de patients souffrant de diverses pathologies (enfants autistes, addiction aux drogues, etc.). En lieu et place, elle a instauré des pratiques ayant parfois plus à voir avec le chamanisme, s’appuyant souvent sur la suggestion issue du rapport entre le patient et le thérapeute. Sur le terreau de la psychanalyse orthodoxe s’est également développé un labyrinthe d’autres pratiques, plus exotiques en apparence, mais tout aussi infondées en pratique.

Psychanalyse et addictions (Gilbert Lagrue) p. 75
Une autre invention psychanalytique : Les personnalités multiples (Brigitte Axelrad) p. 80
Quelques thérapies folkloriques d’inspiration psychanalytique (Nicolas Gauvrit) p. 87
Comment Lacan psychanalysait (Jacques Van Rillaer) p. 96
Psychanalyse et évaluation p. 107

Une place injustifiée dans la société

Si la psychanalyse suit en France, avec retard, le mouvement observé ailleurs ces 30 dernières années, à savoir sa disparition du champ de la science, de la psychologie et de la médecine, elle continue néanmoins à occuper un espace injustifié, que ce soit dans l’« expertise » juridique (se souvient-on que les experts du procès Outreau se réclamaient de la psychanalyse ?), dans la psychologie « grand public » (journaux et télévision).

Les récentes controverses sur l’attribution du titre de psychothérapeute, le retrait en 2005 par le gouvernement d’un rapport scientifique de l’Inserm, sous la pression des associations psychanalytiques, montre que les autorités politiques manquent encore bien de courage pour déterminer une politique de santé publique rationnelle, orientée vers l’intérêt et la santé des patients.

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27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 14:27

par Jean-Paul Krivine - SPS n° 293, hors-série Psychanalyse, décembre 2010

Vendredi 29 octobre, France soir titrait en couverture « Bienvenue chez le psy », indiquant en sous-titre : « 10 bonnes raisons d’y aller ». Qui sont ces psys qui nous sont recommandés, et quelles sont ces bonnes raisons de les consulter ? Reportons-nous aux pages intérieures pour le savoir.

Le consultant de la rédaction est… un psychanalyste (Robert Neuburger), et c’est lui qui nous présente ces « bonnes raisons ». On retrouve là les allégations les plus communes de la psychanalyse, quant à ce qui relève d’une prise en charge : les « actes manqués » qui ne sont bien entendu « pas de la simple distraction », mais « représentent un désir refoulé », la souffrance physique qui « révèle un mal-être inconscient », « l’obstination dans une relation amoureuse vouée à l’échec », le sentiment dépressif qui peut se résoudre en « [utilisant] son vague à l’âme pour mieux se comprendre », et en évitant de se laisser enfermer dans le « diagnostic erroné » d’un médecin généraliste qui prescrirait des antidépresseurs. Tout est bon pour justifier le recours au psy : sautes d’humeur, relations avec les collègues, échec amoureux, volonté de « comprendre ce qui vous anime et de découvrir vos désirs inconscients ».

293_112-119_2Quant au psy, lequel faut-il aller consulter ? Le journal nous propose les psychologues cliniciens pour les « troubles légers », les psychiatres pour les « troubles mentaux graves ». Pour tout le reste, incluant les dépressions, les phobies ou simplement le mal être, le psychanalyste est la référence. La journaliste reproduit sans le moindre esprit critique les affirmations psychanalytiques : « la cure analytique s’attache aux origines des problèmes qu’elle détecte le plus souvent dans l’enfance, elle se déroule avec le psychanalyste derrière soi, le praticien intervient peu, la position allongée permet à l’inconscient de s’exprimer plus facilement », les cures sont longues (« plusieurs années »). On aurait aimé que la journaliste nous dise ce qui garantit cette déontologie et quels sont ces contrôles. Bien entendu, les cures payantes sont à la base du succès : « les fondements même de la psychanalyse impliquent que, pour réussir, elles “coûtent” quelque chose au patient ». Et si aucun diplôme n’est exigé, que l’on se rassure : « le psychanalyste répond à une déontologie très stricte en matière de formation et de contrôle de ses pratiques et de comportement vis-à-vis de ses patients ».

Quant aux psychothérapies comportementales et cognitives (TCC), elles sont bien mentionnées, mais dans la catégorie « psychothérapeutes », où se côtoient « 200 formes différentes » de pratiques. Mais là, attention, gare aux escrocs, certains des praticiens « se révèlent plus fantaisistes ». Au passage, la journaliste aura oublié que le titre de « psychothérapeute » est maintenant clairement défini dans la loi, qu’il existe bien des diplômes universitaires enseignant les TCC, et bien entendu, que quand il y a eu des évaluations portant, l’avantage était en faveur des TCC et d’autres méthodes devant la psychanalyse.

Cet article est finalement bien banal. Il illustre juste la place occupée aujourd’hui en France par la psychanalyse. Place indue au regard de son statut scientifique, et place qui empêche le développement d’une prise en charge psychologique ou psychiatrique adaptée, quand elle s’avère nécessaire.

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27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 14:24

par Esteve Freixa i Baqué - SPS n° 293, hors-série Psychanalyse, décembre 2010

Pour examiner le pouvoir réel, en termes de « lobby », des psychanalystes1, nous allons choisir quatre « affaires » parmi les plus récentes et les plus scandaleuses : l’amendement Accoyer, le rapport Inserm, le procès Bénesteau et la sortie du Livre Noir de la Psychanalyse.2

L’amendement Accoyer3

Le Dr. Bernard Accoyer (député UMP de la Haute-Savoie à l’époque et actuel Président de l’Assemblée Nationale) proposa en octobre 2003 à l’Assemblée nationale d’ajouter un nouvel article au projet de loi de santé, modification connue depuis sous le nom « d’amendement Accoyer ». Les motifs exposés par son auteur pour justifier sa proposition méritent toute notre approbation : ils se placent du point de vue de la protection des patients, pour que ces derniers puissent bénéficier d’une prise en charge par des personnes qualifiées (voir encadré).

L’article L. 3231 qu’il proposait visait à encadrer de façon précise le titre de psychothérapeute. Il en ressortait clairement que seules trois catégories de professionnels, à l’exclusion expresse, donc, de toutes les autres, avec diplômes universitaires garantissant leur formation, pouvaient effectuer des psychothérapies : les psychiatres, de plein droit, et les psychologues ou médecins ayant reçu une formation spécifique. Point de psychanalystes dans le lot – à moins, bien sûr, d’être en même temps psychiatres ou psychologues (voir encadré).

Exposé des motifs de l’« amendement Accoyer »

« Les Français sont les premiers consommateurs au monde de psychotropes, et de plus en plus de jeunes sont affectés par des psychopathologies souvent graves. La prise en charge de la souffrance psychique fait souvent appel aux psychothérapies. Or, en ce domaine, le vide juridique est total. Des personnes, insuffisamment qualifiées ou non qualifiées, se proclament elles-mêmes « psychothérapeutes ». Elles peuvent faire courir de graves dangers à des patients qui, par définition, sont vulnérables et risquent de voir leur détresse ou leur pathologie aggravée. Elles connaissent parfois des dérives graves. Depuis février 2000, la mission interministérielle de lutte contre les sectes signale que certaines techniques psycho-thérapeutiques sont un outil au service de l’infiltration sectaire et elle recommande régulièrement aux autorités sanitaires de cadrer ces pratiques. Cette situation constitue un danger réel pour la santé mentale des patients et relève de la santé publique. Il est donc indispensable que les patients puissent être clairement informés sur la compétence et le sérieux de ceux à qui ils se confient. Il convient donc de considérer les psychothérapies comme un véritable traitement. À ce titre, leur prescription et leurs conduites doivent être réservées à des professionnels détenteurs de diplômes universitaires, attestant d’une formation institutionnelle, garantie d’une compétence théorique, pouvant être doublée d’une expérience pratique ».

La virulence de la réaction de la majorité des psychanalystes, et tout particulièrement les lacaniens4, fut d’une telle ampleur que ce texte exemplaire et courageux s’avéra, pour ainsi dire, mort-né. Le journal Le Monde daté du 26 février 2004 (le même jour que pour la publication du rapport Inserm dont il sera question dans le chapitre suivant) relate cet abandon et le remplacement de l’amendement Accoyer par celui de M. Mattei : « Adopté à l’unanimité le 8 octobre 2003, [...] l’amendement de Bernard Accoyer [...] affirmait que la pratique des psychothérapies ne relevait “que de médecins psychiatres ou de médecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles requises” [...] Ce texte a été remplacé par un autre, proposé par le ministre de la santé, Jean-François Mattei, et voté au Sénat le 19 janv ier. Celui-ci crée un registre national des psychothérapeutes. Les médecins, les psychologues titulaires d’un diplôme d’État et “les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations” seront dispensés de cette inscription.  »

Ainsi, en seulement 3 mois et 11 jours, les psychanalystes étaient passés de la catégorie de ces « personnes, insuffisamment qualifiées ou non qualifiées, [qui] se proclament elles-mêmes “psychothérapeutes” » pouvant « faire courir de graves dangers à des patients qui, par définition, sont vulnérables et risquent de voir leur détresse ou leur pathologie aggravée » (en clair, des charlatans potentiellement dangereux5) que dénonçait le député, à celle, très respectable, d’apparentés aux médecins, psychiatres ou psychologues, à la seule condition d’être « régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations ». Signalons, néanmoins, que même cette simple formalité sembla à l’une de ces branches6 une ingérence intolérable de l’État dans leurs affaires et, non seulement ils refusèrent de transmettre leurs annuaires, mais eurent des propos très durs envers les associations psychanalytiques disposées à le faire (Roudinesco, 2004).

La proposition d’amendement Accoyer

« Les psychothérapies constituent des outils thérapeutiques utilisés dans le traitement des troubles mentaux.

Les différentes catégories de psychothérapies sont fixées par décret du ministre chargé de la santé. Leur mise en œuvre ne peut relever que de médecins psychiatres ou de médecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles requises fixées par ce même décret. L’agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé apporte son concours à l’élaboration de ces conditions.

Les professionnels actuellement en activité et non titulaires de ces applications, qui mettent en œuvre des psychothérapies depuis plus de cinq ans à la date de promulgation de la présente loi, pourront poursuivre cette activité thérapeutique sous réserve de satisfaire dans les trois années suivant la promulgation de la présente loi à une évaluation de leurs connaissances et pratiques par jury. La composition, les attributions et les modalités de fonctionnement de ce jury sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l’enseignement supérieur. »

Adopté (à l’unanimité) par l’Assemblée Nationale le 8 octobre 2003

Suite à de multiples péripéties, et en particulier à cause de la « guérilla » des différentes factions concernées qui contestaient, tour à tour, les différents projets élaborés, le Ministère de la Santé échoue à rédiger les décrets nécessaires à son entrée en vigueur. C’est pour résoudre ces complications que l’article 91 de la loi HPST du 21 juillet 2009 a opéré une modification de l’article 52 de la loi du 9 août 2004. Cette nouvelle version reprend l’idée, énoncée par la version précédente du texte, d’une formation en psycho-pathologie clinique obligatoire. Elle ajoute une condition de diplôme minimal en précisant que l’accès à cette formation est réservé aux personnes titulaires d’un doctorat de médecine ou d’un master ayant pour mention ou pour spécialité la psychologie ou la psychanalyse. Enfin, elle supprime la catégorie des professions autorisées « de droit » à s’inscrire au registre des psychothérapeutes mais leur reconnaît, en contrepartie, un droit à bénéficier de dispenses totales ou partielles pour la formation en psychopathologie clinique. Ayant obtenu au préalable de figurer parmi ces professions anciennement inscrites « de droit », les psychanalystes sont donc confirmés dans leur droit à bénéficier de ces dispenses. Tout le problème demeure que, auparavant comme maintenant, l’appellation de « psychanalyste » n’est pas réglementée et que toute personne peut donc s’en prévaloir sans avoir jamais exercé en tant que psychanalyste et sans même avoir effectué une psychanalyse personnelle.

Ainsi donc, le décret d’application annoncé n’est paru que le 20 mai 20107, presque six ans après. Il exige un diplôme préalable, une formation en psychopathologie clinique délivrée par un organisme agréé et un stage pratique. Mais rien n’oblige les futurs organismes qui solliciteront cet agrément pour dispenser cette formation à être des universités, ni même des établissements publics. Finalement, le titre sera réservé aux personnes titulaires de certains diplômes (voir plus haut) et ayant validé une formation en psychopathologie clinique complémentaire à ce diplôme. Mais il ne sera pas réservé aux personnes pouvant se prévaloir d’un titre réglementé par la loi comme celui de médecin ou de psychologue8. En effet, le psychanalyste, dont l’appellation ne fait pas partie des titres ou qualités protégées, compte parmi les professions pouvant bénéficier de dispenses partielles pour cette formation en psychopathologie clinique. Moyennant une formation de 200 heures théoriques accompagnées de deux mois de stage, assurée par des organismes pas forcément universitaires ni même publics, un psychanalyste non-médecin et non-psychologue, inscrit dans l’annuaire de la société psychanalytique à laquelle il appartient (après une simple analyse didactique dans le meilleur des cas9), pourra se prévaloir du titre de psychothérapeute.

Ainsi, les psychanalystes ont réussi à transformer un débat portant sur la pertinence de pratiques thérapeutiques mises en œuvre, sur le contrôle de la formation des thérapeutes, et donc la protection des patients, en un débat idéologique leur permettant de maintenir un statut dérogatoire. Leur droit à exercer en dehors de tout contrôle scientifique ou médical se trouve pérennisé tant qu’ils n’entendent pas se prévaloir du titre de psychothérapeute.

Difficile de prétendre, dans ces conditions, que les dangers que ce texte prétendait écarter (« Cette situation constitue un danger réel pour la santé mentale des patients  ») ont été éradiqués.

Le rapport de l’Inserm10

293_120-132_1Suite au plan de Santé mentale mis en place en 2001 par le Ministère de la Santé, l’Inserm reçut une demande de la Direction générale de la Santé (DGS) et de deux associations de patients (l’UNAFAM, Union nationale des amis et des familles de malades psychiques, et la Fnap-psy, Fédération nationale des associations de patients et ex-patients de psychiatrie) pour réaliser une évaluation de l’efficacité des psychothérapies utilisées en France. Ces associations demandaient à être éclairées dans cette jungle que constitue l’offre de soins thérapeutiques dans notre pays, où plus de 300 formes de psychothérapies ont été référencées et ont pignon sur rue11, d’autant plus que la protection du titre de « psychothérapeute » voulue par l’amendement Accoyer, dont nous venons de parler, n’était pas encore acquise à l’époque.

L’étude en elle-même s’est essentiellement déroulée entre mai 2002 et décembre 2003. Le 26 février 2004, l’expertise collective de l’Inserm intitulée : Psychothérapie. Trois approches évaluées fut rendue publique. Face au dogme de « non-évaluabilité scientifique » des psychothérapies, persistant en France12 (mais qui n’a plus lieu d’être presque partout dans le monde), la publication de ce rapport eut l’effet d’une bombe. En effet, si la psychanalyse a un poids très fort dans le système psychothérapeutique français, elle n’en fournit pas moins de piètres résultats en terme d’efficacité : 16 troubles ont été examinés dans le rapport de l’Inserm et, pour 15 d’entre eux, ce sont les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) qui sont apparues comme étant les plus efficaces13.

Commence alors une intense activité des psychanalystes sur tous les fronts, notamment, médiatique (radios, télés, journaux, magazines, etc.)14 mais également politique. Ce travail de lobbying, ô combien efficace, culmine par le désormais tristement célèbre meeting de la Mutualité, le 5 février 2005, au cours duquel le Ministre de la Santé de l’époque, M. Douste-Blazy15, dont les services avaient pourtant commandé l’expertise, annonce que le rapport est purement et simplement retiré du site Internet du ministère. Et ce sans prendre la peine d’en avertir au préalable ni l’Inserm ni les auteurs du rapport. Le résultat est à la hauteur de la manœuvre : le directeur général de la Santé, William Dab, démissionne avec fracas ; le Syndicat national des chercheurs scientifiques considère qu’il s’agit d’un « pur acte de censure dans une optique parfaitement clientéliste  ». On ne saurait mieux dire… Même Science, la très sérieuse revue internationale de langue anglaise, se fait l’écho du scandale sous le titre on ne peut plus évocateur de « French Psychoflap  » et parle d’une décision qui a provoqué la « consternation de nombreux scientifiques  ».

Parce qu’ils n’acceptaient pas les conclusions d’une étude scientifique, et faute de pouvoir avancer des arguments scientifiques, les psychanalystes ont demandé au pouvoir politique (et obtenu) que la censure scientifique s’applique, en plein XXIe siècle, dans la France des Lumières. Jacques Van Rillaer, à l’époque de cette affaire, écrivit : « En l’an 1300, le pape Boniface VIII publia une bulle par laquelle il interdisait toute dissection humaine. Au XVIe siècle, le Concile de Trente assimila la curiosité scientifique au péché originel. Au XXIe siècle, le Ministre français de la Santé interdit la publication, sur le site du Ministère, du rapport sur l’efficacité des psycho-thérapies réalisé par des experts de l’Institut national de la Santé et de la Recherche médicale de son pays.  »

Le procès Bénesteau16

Jacques Bénesteau est psychologue clinicien, formé aux Universités de Nice, Paris V et Aix-en-Provence. Après vingt-six années de carrière en pédopsychiatrie, il pratique désormais au sein du Service de Neuropédiatrie du C.H.U de Toulouse et est, depuis 1974, chargé d’enseignement à l’Institut de Formation en Psychomotricité de la Faculté de Médecine de Toulouse-Rangueil.

En 2002, il publie Mensonges freudiens. Histoire d’une désinformation séculaire aux éditions Mardaga (Belgique), qui est un véritable pavé jeté dans la mare freudienne. L’importante documentation, constituée de plus de 730 éléments de référence, sur laquelle s’appuient les arguments de ce livre, lui donne une incontestable valeur objective. C’est un travail de recherche colossal et qui impose le respect tant pour sa pertinence, sa rigueur, sa précision que pour la clarté de l’exposé.

En mars 2003, l’œuvre de Bénesteau reçoit le premier prix de la Société Française d’Histoire de la Médecine (SFHM) à l’unanimité.

Pourtant, un véritable « black-out » s’installe autour du livre. Après une fin de non-recevoir chez quatorze éditeurs français, la majorité des périodiques auxquels l’éditeur belge Pierre Mardaga avait adressé gracieusement plus de cent exemplaires de presse (souvent à leur demande !) n’avait pas daigné signaler sa parution, et l’on ne cessa de rapporter des refus de vente de libraires le prétendant « épuisé », ce qui ne fut jamais le cas.

Mis à part le texte paru dans Science et pseudo-sciences en 200317, un seul article fut publié rendant compte de la sortie du livre. Il était signé de Mathias Pessiglione et parut dans la rubrique « Le livre du mois » de La Recherche, n° 359, décembre 2002, page 109.

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« Censure (Anastasie), illustre engin liberticide français, née à Paris sous le règne de Louis XIII. » Dessin paru dans Le Trombinsocope de Touchatout (Léon Bienvenu) en 1874

Suite à la récompense décernée par la SFHM à Bénesteau pour son livre, Mme Roudinesco, qui fait partie de cette société, a adressé une lettre au Docteur Alain Ségal, président de ladite société, dans laquelle elle fait part de sa stupéfaction, suivie de la publication d’un article dans la revue Les Temps Modernes sous le titre « Le Club de l’Horloge et la psychanalyse : chronique d’un antisémitisme masqué  ». Dans cet article, Élisabeth Roudinesco explique clairement qu’elle a écrit à Alain Ségal parce qu’il était de son devoir de demander des comptes aux membres du jury de la SFHM pour avoir décerné le premier prix au livre de Jacques Bénesteau (ce même premier prix qui lui avait été remis pour l’un de ses livres à elle auparavant). Après avoir soi-disant démonté point par point les principaux arguments avancés par Bénesteau, elle décrit l’ouvrage de ce dernier comme un mélange de « démarche scientiste  » et de « rhétorique d’inspiration antisémite et négationniste  ». Je cite : « L’ouvrage de Bénesteau n’est donc rien d’autre que l’expression masquée d’un retour du refoulé d’une certaine France chauvine et réactionnaire qui, durant l’entre-deuxguerres, appelait “science boche” la doctrine inventée par Freud, laquelle deviendra ensuite, dans le discours nazi, “une science juive”, et enfin, dans le contexte d’aujourd’hui, une fausse science propageant des complots bolcheviks  ».

Jolie démonstration : Freud étant juif, être contre la psychanalyse et le freudisme, c’est être contre une prétendue « science juive » donc être antisémite. Et si votre antisémitisme reste impossible à prouver par les faits, c’est donc qu’il est inconscient et qu’il avance masqué. Mais dans ce cas, comment réfuter une telle accusation ?

Taxé donc d’antisémitisme sans la moindre preuve, Bénesteau (qui affirme n’avoir jamais fait partie du Club de l’Horloge) porta plainte devant les tribunaux pour diffamation. Le Club en fait autant. Notons que les deux affaires étaient parfaitement distinctes au début et ont été réunies, à la demande des avocats de Mme Roudinesco, à la dernière minute.

Au lendemain du jugement, les quotidiens L’Humanité, Libération et Le Monde publient le résultat du fameux procès : « Roudinesco obtient la relaxe », « Roudinesco-Club de l’horloge, 1-0 » ou encore « Le Club de l’horloge perd son procès contre l’historienne Élisabeth Roudinesco » ; bref, le lecteur devrait le comprendre ainsi : la psychanalyste a gagné le procès qui lui avait été intenté. La réalité est tout autre : les juges ont estimé que, sur la forme, la procédure engagée par Jacques Bénesteau était juridiquement nulle, les propos n’étant pas suffisamment précisés ; ils n’ont donc pas pu se prononcer sur le fond. Il n’y a, tout simplement, pas eu de jugement ! Pour ce qui est du Club de l’horloge, en revanche, le tribunal a fini par considérer qu’Élisabeth Roudinesco, en procédant à une analyse critique des modes de pensée et positions de l’association, « n’a pas dépassé les limites autorisées du droit de libre critique dans le cadre d’un débat d’idées ».

Évidemment, l’historienne de la psychanalyse s’est dite très heureuse de la décision du tribunal en déclarant que c’était le droit de l’historien qui avait été démontré, et, jouant sur la simultanéité des deux affaires, s’est répandue dans les médias en clamant qu’elle avait accusé Bénesteau d’antisémitisme, que celui-ci lui avait intenté un procès en diffamation et qu’il ne l’avait pas gagné (sous entendu : il l’avait perdu, il n’y avait donc pas eu de diffamation de sa part à elle, il était donc bel et bien antisémite)18. Magnifique raccourci19. Le lecteur appréciera l’élégance du procédé…

Ainsi donc, lorsque des ouvrages documentés, précis et argumentés, dénoncent les impostures et les légendes sur lesquelles se sont construites les théories psychanalytiques, plutôt que d’entrer dans un débat argumenté (avec des faits, des expériences, etc.), les psychanalystes préfèrent les anathèmes, la diffamation, les campagnes de presse...20

La sortie du Livre noir de la psychanalyse

La même stratégie de « black-out » qui avait si bien réussi pour le livre de Bénesteau a été à nouveau tentée dès que les psychanalystes ont eu vent de l’imminente parution d’un livre, sous la direction de Catherine Meyer, destiné au grand public (et qui connut, en effet, un énorme succès) dont le titre ne laissait aucun doute sur le contenu. Mais, comme nous allons le voir, de la plume même des principaux protagonistes, cette opération de censure, de « terrorisme intellectuel  » (ce sont les mots exacts de Laurent Joffrin, rédacteur en chef du Nouvel Observateur, voir encadré) n’a pas réussi une seconde fois et, coïncidant avec l’arrivée de l’ouvrage en librairie, L’obs (qui plus est, en couverture) du 1er septembre 2005, annonçait un dossier sur le livre avec le titre : « Faut-il en finir avec la psychanalyse ?  »

Jacques Van Rillaer, l’un des auteurs principaux du Livre Noir, analyse également cette controverse (voir encadré)21.

Dans le titre de ce papier, nous avons fait mention du fait que les psychanalystes ne cherchent même pas à se cacher de leurs agissements, tellement (je veux le croire) ils sont convaincus de la justesse de leurs positions et de la légitimité de leur combat. J’aimerais, pour finir, évoquer ce que l’on peut considérer comme le meilleur aveu de cette activité de lobbying intense à laquelle se livrent, avec le succès que nous venons de voir, certains d’entre eux.

Dans un texte publié sur son blog22, Jacques-Alain Miller raconte, parmi bien d’autres choses surprenantes, comment il s’est livré à ce qu’il faut bien qualifier de chantage auprès de François Hollande, alors premier secrétaire du PS. Toutes les affaires dont nous avons parlé ici sont évoquées avec, à nos yeux, un cynisme et une agressivité qui font froid dans le dos. Miller exprime ses positions sans détour, évoquant un « combat qui n’est plus professionnel, mais directement moral et politique  » ; il s’oppose à ce qu’il appelle la « culture de l’évaluation  » : « L’idéologie comportementaloévaluationniste n’est pas de gauche ; elle n’est pas de droite ; elle est celle d’ennemis du genre humain  » ; il lance le ban et l’arrière-ban de ses réseaux, affichant fièrement les « appels » lancés sur France Culture, le « vaste réseau international  » constitué autour de l’association mondiale de psychanalyse, qui « constitue une force qui n’a pas beaucoup d’équivalent dans le monde  », et termine, sans le moindre scrupule, par un « chantage au vote » sans ambiguïté ! Le texte entier mérite lecture tant il contient d’informations sur la manière d’agir et de penser de cette « branche » des psychanalystes (dont l’importance n’empêche pas de voir qu’il ne s’agit pas, du moins je l’espère, de l’ensemble des psychanalystes).

« Terrorisme intellectuel en peau de lapin »

293_120-132_3« En posant une question provocante – “Faut-il en finir avec la psychanalyse ?”– avons-nous déclaré la guerre à nos amis psychanalystes ? Non. Nous les avons bousculés, ce qui est désagréable mais très différent. Et nous avons surtout pensé… aux patients. Notre journal est né en partie de sa proximité avec le mouvement psychanalytique. Il ne renie pas ses origines. La pensée de Freud et de ses continuateurs reste pour nous, en même temps qu’un monument du XXe siècle, une référence indispensable. Mais nous n’a vons jamais pensé que la psychanalyse devait détenir, sur l’étude de l’esprit humain, une sorte de monopole qui interdirait toute parole différente ou dissidente, toute critique ou toute remise en question. Pensée forte, pratique séculaire, la psychanalyse ne peut pas craindre l’interrogation, serait-elle virulente. Elle en a vu d’autres.

Plusieurs fois, dans le débat sur l’héritage Dolto, sur les thérapies comportementales, sur l’usage des psychotropes, nous avons ouvert la discussion, toujours ardente, toujours passionnante. [...] Cette fois l’exercice était nouveau : nous nous sommes appuyés à dessein sur un livre polémique écrit par des adversaires du freudisme, souvent rattachés à ce qu’il est convenu d’appeler les “TCC”, les thérapies cognitivo-comportementales. Ceux-ci sont des professionnels du soin, des historiens ou des psychiatres reconnus internationalement, qui ont pignon sur rue et occupent souvent des chaires prestigieuses ou des responsabilités éminentes. [...] Pour équilibrer notre dossier, nous avons d’abord fait appel à l’historienne de la psychanalyse la plus connue en France, Élisabeth Roudinesco, femme de grande capacité. C’est là que nos surprises ont commencé. Élisabeth Roudinesco a d’abord refusé de débattre avec un quelconque auteur du Livre noir. Elle nous a ensuite encouragés à passer sous silence purement et simplement l’ouvrage et à remplacer les extraits prévus par un long entretien avec elle. Le livre, disait-elle en substance, est politiquement louche, à la limite de l’antisémitisme. Accusation aussi grave que ridicule quand on connaît les auteurs du livre. Il nous est vite apparu que la réaction d’Élisabeth Roudinesco était en fait partagée par un petit groupe de psychanalystes qui ont déployé toutes sortes d’efforts rhétoriques et électroniques pour discréditer à l’avance le Livre noir et accessoirement le journal qui s’en faisait l’écho. Alors même que l’immense majorité des psychanalystes, confiants dans la solidité de leurs thèses et de leur pratique, convaincus que les règles de la délibération rationnelle suffiront à démontrer la fausseté des théories adverses, acceptent évidemment le débat, serait-il tendu. C’est ce qu’a fait dans nos colonnes Alain de Mijolla, psychanalyste courageux et tolérant, auteur d’un dictionnaire de la psychanalyse qui fait autorité dans le monde entier. Pendant ce temps-là, le petit groupe en question, tout en mettant en doute les capacités intellectuelles de la direction de l’Obs (question qui mérite effectivement d’être posée à tout moment), continue de qualifier de “fascistes”, “d’ultra-libéraux”, “d’agents des trusts pharmaceutiques”, “de rouages d’une machine destinée à fournir au capital des individus formatés”, les tenants de la psychothérapie sans Freud. Toutes expressions pittoresques qui nous ramènent à des temps très anciens mais qui ne font guère progresser la discussion. Cette discussion, notre journal continuera de la mener en donnant la parole à tous les protagonistes, sans se laisser intimider par un terrorisme intellectuel en peau de lapin qui ne sert pas les défenseurs de la cause freudienne.

Laurent Joffrin, Le Nouvel Observateur, 15 septembre 2005

À vrai dire, je n’aurais pu rêver de meilleure démonstration de ma thèse que celle que JAM nous offre. En le paraphrasant donc, je pourrais moi aussi dire qu’un texte comme ça, j’en voudrais un tous les mois !

Pourquoi Élisabeth Roudinesco a-t-elle refusé un débat au Nouvel Observateur ?

[…] Fin juillet 2005, Le Nouvel Observateur m’a demandé avec qui je voulais débattre pour le dossier prévu sur Le Livre noir à sa sortie. J’ai d’abord cité Daniel Widlöcher, disant que je souhaitais une discussion de gentlemen. Après que Widlöcher eut refusé la proposition, j’ai suggéré le nom de Roudinesco. Celle-ci a refusé en prétextant qu’elle ne parlait pas à un « antisémite ». C’est ce que Catherine Meyer, alors en contact avec Laurent Joffrin, m’a transmis. À vrai dire, c’était la première fois de ma vie que j’étais traité d’« antisémite » (dans mon université, des collègues freudiens me qualifient de « mal analysé », de « positiviste » ou de « chiantifique »).

J’ai été surpris, car, malgré ce que m’avait appris mon collègue Évrard sur l’étiquetage « extrême-droite », je n’avais pas encore bien saisi à quel point, en France, l’accusation d’antisémitisme est, comme l’écrit Jacques Le Rider dans Le Monde des livres (30 octobre 2009), « la pire des accusations, celle qu’on lance pour tuer son adversaire.  »* […] Roudinesco « expliquait » mon « antisémitisme » par le fait que j’avais fait un compte-rendu élogieux du livre de Bénesteau. Joli exemple de « culpabilité par association ». Je suppose que, pour Roudinesco, les étudiants qui apprécient mes cours sont également antisémites… au moins inconsciemment, etc. […]

Je comprends parfaitement que Roudinesco ait refusé de « débattre avec l’un des auteurs  » (moi-même) pour ne « pas contribuer à la diffusion  » du Livre noir. En effet, sa mauvaise foi et son incompétence, en matière de psychologie et de psychiatrie, seraient apparues au grand jour durant la discussion menée devant les journalistes du N.O. Je me contente ici de deux exemples de ce que j’aurais pu rappeler.

Dans Pourquoi la psychanalyse ?, Roudinesco écrit que « tous les psychanalystes ont poursuivi les mêmes études de psychologie.  »1 C’est faux. Même les psychanalystes reconnus comme membres effectifs par leur association – pour ne pas parler des psychanalystes autoproclamés – n’ont pas nécessairement un diplôme de psychologie ou de psychiatrie. Les principaux leaders d’opinion en matière de psychanalyse dans les médias français sont une historienne, É. Roudinesco précisément, et des philosophes, comme les frères Miller, Catherine Clément, Bernard-Henry Lévy. Dans le même best-seller, Roudinesco écrit : « Le béhaviorisme est une variante du comportementalisme  » (p. 95), ce qui revient à dire que le skate-bord est une variante de la planche à roulette. Il suffit d’ouvrir Le petit Robert pour apprendre que le mot français « comportementalisme » est l’équivalent de l’anglais ou de l’anglicisme « béhaviorisme ». Tout étudiant en psychologie apprend cela dès la première année de ses études.

Jacques Van Rillaer

* Fayard, 1999, p. 193.

Épilogue

Au moment de remettre ces feuillets, la polémique autour de la sortie du dernier livre de Michel Onfray (Onfray, 2010), très critique envers Freud et la psychanalyse, bat son plein. Mme Roudinesco reprend la même rhétorique que lors de la sortie du Livre noir de la psychanalyse avec son désormais célèbre : Pourquoi tant de haine ?23.

Et de nouveaux exemples de pressions ont vu le jour : Onfray a publiquement accusé Mme Roudinesco d’avoir passé un coup de fil au Président de la Région Normandie lui demandant de réduire, voire de supprimer, les subventions du Conseil Régional à l’Université Populaire créée et animée par le philosophe. Mme Roudinesco s’en est défendu, mais le doute persiste. Citons également la lettre adressée aux autorités de Radio France et de France Culture demandant l’annulation de la retransmission (pourtant traditionnelle depuis des années) des cours de Michel Onfray (sur Freud cette année). Mais ce n’est pas sûr que, cette fois, ces pressions auront le pouvoir de neutraliser le très médiatique philosophe. Affaire à suivre...

Références
Bénesteau, J. (2002) : Mensonges freudiens. Histoire d’une désinformation séculaire. Mardaga.
Borch-Jacobsen, M. et Shamdasani, S. (2006) : Le dossier Freud. Enquête sur l’histoire de la psychanalyse. Les empêcheurs de penser en rond.
Castel, R (1973) : Le psychanalysme. Maspéro.
Meyer, C. et al. (2005) : Le livre noir de la psychanalyse. Les arènes.
Onfray, M. (2010) : Le crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne. Grasset. Roudinesco, É. (2004) : Le patient, le thérapeute et l’État. Fayard.
La psychanalyse, une secte ?

De nos jours, le terme « secte » revêt, la plupart du temps, un caractère péjoratif. C’est pourquoi SPS, conforme à sa tradition, n’emploie pas volontiers le vocable secte, bien qu’au sens strict, la psychanalyse en présente les caractéristiques, comme nous allons le montrer.

Une secte (du latin secta, de sequi, suivre) est, selon le Larousse : « 1. Ensemble de personnes professant une même doctrine (philosophique, religieuse, etc.) 2. Groupement religieux, clos sur lui-même et créé en opposition à des idées et à des pratiques religieuses dominantes. 3. Clan constitué par des personnes ayant la même idéologie.  »

À la lumière de cette définition, l’appellation de secte pour définir la psychanalyse serait-elle justifiée ? Oui, de par leurs caractéristiques communes, tout simplement. En effet, quels sont les principaux traits distinctifs communs à toutes les sectes ? On peut en distinguer au moins trois. Le premier, c’est le système d’intégration. Pour être accepté dans une secte, il faut suivre une période de formation, plus ou moins codifiée, comportant plus ou moins de rites initiatiques et/ou d’épreuves, dispensée par un ou plusieurs membres de la secte. Cette période de noviciat, plus ou moins longue, ne se termine que lorsque le maître considérera que le disciple est apte, prêt. Il est évident qu’un candidat récalcitrant, critique ou tout simplement « tiède » ne sera jamais intégré. Ce mode de « formation », sans aucune évaluation objective, ne peut donc que fabriquer des individus pleinement convaincus, dociles, assujettis à et respectueux de toutes les règles de la secte en question ; en un mot, des fidèles à la loyauté inaltérable. Sous peine de ne jamais être adoubés.

Le second trait commun aux sectes, qui découle directement du précédent, est le mode d’admission et d’exclusion. Celles-ci sont décidées par cooptation, c’est-à-dire, en interne, par les membres eux-mêmes, d’après des critères qui leur sont propres et non en vertu d’un mérite, diplôme ou autre élément extérieur et objectif de l’impétrant qui pourrait justifier, par exemple, un appel de la décision. Aucun contrôle extérieur n’est exercé sur la procédure.

Le troisième trait, conséquence logique des deux autres, est leur indépendance complète vis-à-vis de l’État ou de tout organisme officiel (dans la limite, bien sûr, du respect de la légalité). Aucune institution n’a le droit de regard sur le processus d’initiation, d’admission ou d’exclusion. Ainsi, la « formation » dispensée (quand il y en a une) n’a été habilitée, reconnue ou contrôlée par aucun Ministère.

Force est de constater que la psychanalyse répond et correspond parfaitement à ces trois caractéristiques. D’ailleurs, on sait que Freud lui-même avait constitué, au sein de la Société Psychanalytique, un Comité Secret, en charge du maintien et de la préservation de l’orthodoxie de la doctrine et qu’il offrait aux membres qu’il avait choisis une bague en or en signe de reconnaissance. Les caractéristiques sectaires de la psychanalyse étaient déjà relevées par des contemporains de Freud, tel le psychiatre Alfred Hoche, par exemple*.

E. F. B.

* Voir, sur la question, le classique et excellent article de WEISZ (G.) 1975. Scientists and sectarians : The case of Psychoanalysis. Journal of the History of Behavioral Sciences, 11 : 350-364.

1 Le pouvoir d’infiltration de leurs théories, concepts, jargon etc. dans la culture française, à tous les niveaux, avait déjà été souligné depuis longtemps par le sociologue Robert Castel, phénomène qu’il a désigné par le néologisme « le psychanalysme ». (Castel, 1973).

2 Nous invitons le lecteur à lire une version détaillée de chacun des dossiers sur notre blog.

3 L’ensemble du dossier est consultable sur http://0z.fr/370-8.

4 Deux exemples parmi d’autres : ces commentaires de Judith Lacan dans La Cause freudienne (n° 56) : « D’ores et déjà nous savons que plus jamais nous ne dormirons tranquilles. Nous n’oublierons pas l’expérience de cauchemar que nous avons vécue : le souffle haletant de la bête – la grimace de l’“arbitraire légal” – le mufle d’un Léviathan imbécile marchant l’amble, titubant, son grand corps manifestement trop puissant pour une cervelle atrophiée… Plus jamais ça ! » ou cet extrait d’un courriel de Catherine Clément à Jacques-Alain Miller (publié sur le blog de celui-ci) : « L’évaluation est un colonialisme, et les TCC, des supermarchés américains. Prête pour la castagne, camarade ! Je t’embrasse, Cat. »

5 L’un des articles parus dans le Livre Noir de la Psychanalyse, signé par Jean-Jacques Déglon, (pp. 616-637 de l’édition originale) portait un titre éloquent : « Comment les théories psychanalytiques ont bloqué le traitement efficace des toxicomanes et contribué à la mort de milliers d’individus ». J’avais repris ce grave sujet, sous une forme légère, en m’improvisant parolier dans un texte intitulé « Bière ou divan » disponible sur http://0z.fr/P374f.

6 L’École de la Cause Freudienne, animée par Jacques-Alain Miller (le gendre de Lacan) à laquelle appartient également Catherine Clément mais, surtout, Elisabeth Roudinesco, qui rédigea un pamphlet sur la question (Roudinesco, 2004).

7 La totalité du décret est consultable sur Legifrance.

8 Il convient, en effet, de ne pas confondre diplôme et titre, l’un ne conférant pas automatiquement l’autre.

9 Puisque l’appellation de psychanalyste n’est pas protégée et que la constitution d’une association psychanalytique n’est pas réglementée non plus, n’importe qui peut se prévaloir des dispenses liées à cette qualité, même sans avoir fait d’analyse didactique : il lui suffit de se présenter comme psychanalyste inscrit dans une association qu’il aura fondée lui-même.

10 L’ensemble du dossier est consultable sur http://0z.fr/Ri2C1.

11 Voir l’article de Nicolas Gauvrit dans ce même Hors-Série.

12 Dans presque tous les grands quotidiens et hebdomadaires de l’hexagone apparurent des articles, tribunes, caricatures etc., sur le thème : « la souffrance psychique n’est pas évaluable », phrase prononcée par le Ministre Douste-Blazy à la Mutualité au moment de l’annonce, devant un parterre de lacaniens, du retrait du rapport du site du Ministère, avant de conclure (sous les applaudissements) : « Vous n’en entendrez plus parler ».

13 Ce que toute la communauté scientifique internationale savait parfaitement depuis les années 60 et les travaux pionniers de J.H.Eysenck sur l’efficacité comparée des thérapies. Même l’OMS avait, au moins à deux reprises, publié des résultats dans ce sens. Mais la nouveauté c’était que, cette fois-ci, c’était publié en France et en bon français !

14 Voir l’article de Jean-Louis Racca, La psychanalyse et les médias, dans ce même Hors-Série.

15 Qui commence ce discours par ces mots : « Cher Jacques-Alain Miller, cher Bernard-Henri Lévy, chère Catherine Clément, Mesdames, Messieurs : »

16 L’ensemble du dossier est consultable sur http://0z.fr/pzrnm.

17 Mensonges freudiens : histoire d’une désinformation séculaire.

18 Par exemple, dans Pourquoi tant de haine ? Anatomie du Livre noir de la psychanalyse, Navarin 2005, p. 22, note 15.

19 C’est comme si Bénesteau avait affirmé : « J’ai porté plainte pour diffamation contre Mme Roudinesco, et je n’ai pas perdu le procès : elle m’avait donc bel et bien diffamé en me traitant d’antisémite ».

20 On se reportera avec intérêt au texte de J. Bénesteau (« La Berlue ») paru dans le site www.psychiatrie-und-ethik.de.

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27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 14:18

Les théories psychanalytiques ne sont pas sans conséquence. Cixi, dans son Blog sur Mediapart, parlant des théories psychanalytiques, écrit : « Théories qui ne sont pas sans conséquences. Sûr(e)s de leurs bons droits, avec des poses de résistants à l’envahisseur anglo-saxon et ses théories cognitives comportementales (qu’ils apparentent à du dressage), les voilà qui isolent les enfants autistes de leurs parents, s’opposent à leur socialisation et scolarisation, culpabilisent les parents et instillent le doute d’une potentielle maltraitance de la part des parents et en particulier de la mère. » [1]

Voici ce que dit de son côté le Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé à propos des approches psychanalytiques de prise en charge des enfants autistes (extraits de l’avis n°102, 6 décembre 2007 [2], « Sur la situation en France des personnes, enfants et adultes, atteintes d’autisme » :

Les années 1940-1960 : quand une théorie scientifique qui vise à comprendre la souffrance de l’enfant provoque la souffrance des parents et des enfants.

Le drame de l’autisme représente un exemple particulièrement douloureux des conséquences que peuvent avoir des théories sur les causes d’un handicap ou d’une maladie en termes de souffrance humaine et de respect de la personne. Les théories psychanalytiques de l’autisme – les théories psychodynamiques, dont le concept de « forteresse vide » – proposées durant les années 1950 pour décrire et expliquer le monde intérieur des enfants souffrant d’autisme, ont conduit à une mise en cause du comportement des parents, et en particulier des mères, décrites comme des « mères frigidaires », « mères mortifères » dans le développement du handicap (voir Annexe 3). Considérer la mère comme coupable du handicap de son enfant, couper les liens de l’enfant avec sa mère, attendre que l’enfant exprime un désir de contact avec le thérapeute, alors qu’il a une peur panique de ce qui l’entoure font mesurer la violence qu’a pu avoir une telle attitude, les souffrances qu’elle a pu causer, et l’impasse à laquelle cette théorie a pu conduire en matière d’accompagnement, de traitement et d’insertion sociale.

La révolution des années 1980 : l’émergence du concept de « trouble envahissant du développement ».

L’émergence durant les années 1970 d’une nouvelle conception organique, neurobiologique de l’autisme, considéré comme un « trouble envahissant du développement » a conduit, en particulier dans les pays anglo-saxons et les pays d’Europe du Nord, au développement de méthodes radicalement nouvelles d’accompagnement, d’insertion sociale, de « désinstitutionalisation », et de prise en charge précoce, éducative, psychologique et thérapeutique des enfants dans le cadre d’une participation active des parents et des familles. Elles ont aussi conduit à une attention particulière à la souffrance des familles, et à l’accompagnement des familles, contribuant ainsi à atténuer leur détresse. Depuis les années 1980, la classification internationale des syndromes autistiques comme « troubles envahissants du développement » a conduit à l’abandon de la théorie psychodynamique de l’autisme et de la notion de « psychose autistique » dans la quasi-totalité des pays, à l’exception de la France et de certains pays d’Amérique latine, où la culture psychanalytique exerce une influence particulièrement importante dans la pratique psychiatrique.

[1] « Autisme : quand les psychanalystes font mur ». http://blogs.mediapart.fr/blog/cixi...
[2] Membres du Groupe de travail : Jean-Claude Ameisen (rapporteur), Chantal Deschamps, Claude Kordon, Haïm Korsia, Chantal Lebatard, Philippe Rouvillois.
http://www.legislation-psy. com/IM...

Lorsqu’on leur demande comment ils conçoivent l’attitude psychanalytique auprès de l’enfant autiste dont on sait qu’elle est fondée sur la parole, l’un d’entre eux ne craint pas de dire : « Disons que quand on reçoit un enfant autiste, on pratique une psychanalyse qui est une pure invention. On se trouve en face d’un sujet qui, la plupart du temps, ne dispose pas du langage. ». Un autre : « […] avec un enfant autiste, j’en fais très peu. Très peu, ça veut dire quoi ? Que je pose mes fesses, que je me mets à côté de lui et j’attends qu’il se passe quelque chose, et j’oublie, j’essaie d’oublier tout. […] Et quand on les interroge sur les résultats qu’ils attendent de la psychanalyse, l’un répond : « Je ne peux pas répondre à ça. Ce n’est pas une question de psychanalyste, ça ! » Et un autre : « En attendre ? Le plaisir de s’intéresser à une bulle de savon. Je ne peux pas vous répondre autre chose. »

En contrepoint de ce discours psychanalytique, Sophie Robert a interrogé, dans deux vidéos « Bonus », Monica Zilbovicius, psychiatre, directrice de recherches à l’INSERM (Unité INSERM 1000, Hôpital Necker, Paris). Avec une grande sobriété, celle-ci décrit les avancées de la connaissance scientifique dans ce domaine à l’aide des outils tels que les mesures de flux sanguin dans le cerveau, l’« Eye Tracking » ou « tracé du regard » et l’IRM, qui permet de détecter l’anomalie de structure dans le cerveau des enfants autistes dans la région temporale supérieure : le sillon temporal. Elle dit :  » Nous sommes donc dans la recherche sur le cerveau. »

Monica Zilbovicius confirme donc que l’autisme n’est pas une psychose, que le tableau de psychose est très spécifique de rupture de la réalité avec des hallucinations et des idées délirantes. Cela, dit-elle, ne concerne pas du tout la problématique de l’autisme.

Dans le film « Le Mur », le discours des psychanalystes s’interrompt par moments pour laisser place aux témoignages de familles touchées par l’autisme de leur enfant, comment elles ont organisé leurs vies pour donner à leur enfant les moyens de progresser grâce aux programmes TEACCH, PECS et ABA, qui s’appuient sur les sciences cognitives et comportementales. Ces programmes ont été mis au point depuis plus de 30 ans aux États-Unis mais sont très peu développés en France, essentiellement à cause du combat que les psychanalystes mènent contre eux. L’un d’entre eux dit : « Dans le monde francophone, l’envahissement par les techniques cognitivo-comportementales est un envahissement nouveau, récent, mais très présent, actuellement. La Psychanalyse se bat contre cet envahissement. »

Les psychanalystes, pour la plupart, refusent de reconnaître l’avancée des connaissances scientifiques sur l’autisme et empêchent les programmes fondés sur les neurosciences de se développer en France.

Les parents d’enfants autistes et les enfants autistes paient lourdement cette obstination.

Le film « Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme » est un bon moyen de faire connaître au grand public les obstacles, « le mur », auxquels se heurtent ceux qui sont concernés par l’autisme. Souhaitons que la plainte de ces trois psychanalystes ne freine pas une nouvelle fois les progrès dans la connaissance de l’autisme et dans le développement des structures nécessaires pour accueillir et socialiser les enfants qui en sont atteints.1

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27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 14:16

À propos du film « Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme »

 

« La psychanalyse n’est pas une science. Elle n’a pas son statut de science, elle ne peut que l’attendre, l’espérer. C’est un délire — un délire dont on attend qu’il porte une science. On peut attendre longtemps ! Il n’y a pas de progrès, et ce qu’on attend ce n’est pas forcément ce qu’on recueille. C’est un délire scientifique. »

Jacques Lacan, Ornicar ? Bulletin périodique du champ freudien, 1978, 14, p. 9.

« Le point fondamental de mon attitude en tant qu’analyste c’est le fait d’abdiquer l’idée d’une progression »

Un psychanalyste dans « Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme »

Dans un reportage de 52 minutes intitulé « Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme » (Océan Invisible Productions) [1], destiné à faire le point sur la conception psychanalytique de l’autisme, Sophie Robert recueille les conceptions de dix pédopsychiatres et psychanalystes [2], dont quelques-uns parmi les plus grands spécialistes français.

Trois des psychanalystes interviewés, appartenant à l’Association de la Cause Freudienne, assignent à présent Sophie Robert en justice et demandent de faire interdire la diffusion du film [3]. Serait-ce qu’ils ne peuvent supporter de se voir à l’écran et de s’entendre sur ce sujet ? Un article paru dans Rue89, le 4 novembre, analyse les termes de l’assignation et met en évidence les manquements à la loi auxquels se sont livrés les plaignants, comme de demander par l’intermédiaire de leur avocat les rushes, ce qui est une « atteinte au secret des sources des journalistes » protégé par la loi du 4 janvier 2010. [4]

Si Jacques Lacan est lucide lorsqu’il affirme que la psychanalyse est un « délire scientifique », comment se fait-il que, 33 ans plus tard, les psychanalystes refusent encore d’abandonner leur vision pseudo-scientifique de l’autisme ? Comment se fait-il qu’ils refusent de reconnaître, avec la communauté scientifique internationale, que l’autisme est un trouble neurologique d’origine probablement génétique, qui entraîne un handicap dans la relation sociale, qu’il y a des autismes et non pas « un » autisme, qu’il faut parler plutôt de « troubles envahissants du développement » et non pas, comme ils le soutiennent, de « psychose », résultant d’une prétendue « toxicité maternelle » et relevant de la psychiatrie ?

Le documentaire de Sophie Robert tente d’apporter quelques éléments de réponse à ces questions en s’appuyant sur le discours des psychanalystes eux-mêmes.

Avant Bruno Bettelheim et sa théorie psychanalytique de l’autisme, Kanner et Asperger s’étaient interrogés sur la possible origine organique de l’autisme.

En 1943, Léo Kanner avait décrit l’autisme comme un trouble affectif de la communication et de la relation n’atteignant pas l’intelligence. Il avait reconnu qu’il s’agissait d’un trouble inné dont les parents ne pouvaient être jugés responsables. En 1944, Hans Asperger, convaincu d’une origine organique de l’autisme, avait émis l’hypothèse que les troubles autistiques sont des « psychopathies » pouvant aller « de la débilité au génie ».

Bruno Bettelheim rompit avec cette conception organique et imposa une conception psychanalytique de l’autisme. Se fondant sur son expérience des camps de concentration, il avait établi une analogie entre les prisonniers des camps et l’enfant autiste. Celui-ci aurait, selon lui, reçu de ses parents, et principalement de sa mère, le message inconscient selon lequel tout le monde se porterait mieux, s’il n’existait pas. En réponse à ce message, l’enfant « choisissait » de s’enfermer dans une « forteresse vide », titre de son ouvrage « La forteresse vide », 1967, consacré à ce problème. [5]

À la fin des années 60, la psychanalyse perd sa suprématie un peu partout dans le monde mais, en France, elle trouve paradoxalement un nouveau souffle sous l’influence d’un psychiatre charismatique, Jacques Lacan.

Les psychanalystes interviewés par Sophie Robert confirment la survivance de cette conception. Répondant à ses questions, ils reprennent en chœur les grands thèmes chers à Bettelheim, Lacan, Klein, Dolto… Ils développent, pour rendre compte des troubles du langage, de la communication et de l’expertise sociale de la personne autiste, les thèmes psychanalytiques de la « mère frigidaire », de la « toxicité maternelle », de la « mère vorace et castratrice » (cf. l’analogie avec le crocodile au début du film qui symbolise le « ventre de la mère », les « dents de la mère ») de la « folie maternelle », de la « mère incestueuse », de la « mère mortifère », etc. La mère est d’après eux toujours « trop » : trop froide, trop chaude, trop vide. Pour résumer, la maternité est psychogène par nature. En face d’elle se dresse « la loi du père » qui lui interdit jouissance et inceste ! Un psychanalyste précise : « La fonction paternelle consiste à intervenir de deux façons, d’une part à dire non à la fusion de la mère et de l’enfant et le père est celui qui interdit la mère. […] Celui qui interdit la jouissance, c’est-à-dire, qui interdit aussi bien que l’enfant jouisse exclusivement de la mère que le fait que la mère jouisse exclusivement de l’enfant. »

 

[1] Les différentes parties du documentaire réalisé par Sophie Robert, en 2011, pour l’association Autistes sans Frontières : http://www.autistessansfrontieres.com/ sont téléchargeables sur vimeo : http://vimeo.com/28297548

[2] Dr Alexandre Stevens PsyK ECF – Psychiatre en chef de l’institution Le Courtil à Tournai. Prof Pierre Delion PsyK – Chef du service de Pédo-Psychiatrie du CHU de Lille. Dr Geneviève Loison PsyK lacanienne – Pédo-psychiatre référent – Lille. Prof Daniel Widlöcher PsyK – APF – Ancien chef du service de psychiatrie – Hôpital de la Pitié Salpêtrière – Paris. Dr Aldo Naouri Pédiatre – Analyste – Essayiste. Prof Bernard Golse PsyK APF – Chef de service de pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker de Paris. Esthela Solano PsyK ECF Psychologue clinicienne. Yann Bogopolsky PsyK Kleinienne. Laurent Danon-Boileau Linguiste MODYCO CNRS PsyK SPP Centre Alfred Binet Paris. Eric Laurent PsyK ECF Enseignant formateur en PsyK.

[3] Rue 89 : http://www.rue89.com/2011/11/04/aut...

[4] http://legifrance.gouv.fr/affichTex...

[5] SPS n° 286, juillet-septembre 2009
L’autisme : un pas de plus vers sa connaissance (1)
L’autisme : un pas de plus vers sa connaissance (2)
Le « packing », la camisole glacée des enfants autistes
Le « packing » confirmé par le Haut Conseil de la Santé Publique !

Observatoire zététique, 7 avril 2009, http://www.zetetique.fr/index.php/d...

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27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 14:14

La PNL est présentée comme la synthèse d’un travail d’observation et de compréhension. Elle se fixe comme ambition de "mieux communiquer" avec autrui ou, pour être plus précis, "d’atteindre l’excellence en matière de communication". Même si l’objectif est louable en soi, les praticiens de cette méthode ont la fâcheuse tendance à négliger différents détails qu’il est important de rappeler au lecteur. Ces détails concernent, d’une part, les fondements scientifiques et, d’autre part, la dimension éthique.

Les fondements scientifiques

Comme le précise Yves Winkin (1990), à la lecture de quelques ouvrages de PNL, "l’univers scientifique est régulièrement évoqué à travers des noms et des titres célèbres, mais l’attitude générale n’est pas celle de la recherche, du questionnement, de l’évaluation critique. C’est celle de l’application claire, concrète, rapide sur les bases "“des découvertes de la science”". Illustrons notre position par quelques exemples.

La référence à "l’Ecole de Palo Alto"

Il est toujours intéressant de rencontrer des "maîtres praticiens en PNL" qui font référence à cette "institution" en oubliant - ou en ignorant - que cette "école" n’est pas un centre universitaire comme certains le supposent encore, mais une communauté de chercheurs et de cliniciens regroupés autour de Grégory Bateson. Inutile de préciser - hormis le fameux présupposé "Nous ne pouvons pas ne pas communiquer" - que la PNL ne se réfère aux travaux de cette école que de manière extrêmement superficielle et, disons le, tout à fait personnelle2.

La grammaire transformationnelle de Chomsky

Les praticiens de la PNL se réfèrent constamment à la théorie linguistique de cet auteur mais en oubliant de préciser que les expressions utilisées sont totalement détournées de leur sens. Ainsi, à titre d’exemple, les PNL’istes n’hésitent pas à se servir de la "structure de surface" qui pour eux devrait "aider le sujet à retrouver son expérience sensorielle initiale et enrichir son modèle du monde". Les PNL’istes se servent ainsi d’une théorie de nature linguistique pour légitimer un discours à objectif psychothérapeutique. Une telle dérive ne relève pas du simple hasard car certaines personnes, après avoir suivi deux ou trois semaines de séminaires en PNL (dans le meilleur des cas), n’hésiteront pas à se présenter comme des "psychothérapeutes"3 faisant croire à leurs patients, à travers des titres ronflants ("Maître praticien en PNL") qu’ils sont de véritables spécialistes du soin.

L’interprétation abusive

Comme tous "les marchands de certitude", les praticiens de la PNL n’hésiteront pas à interpréter le moindre de nos comportements - de la même façon que les "gestuologues" - et à leur donner une signification psychologique, obligatoirement univoque4. Dans cette perspective ils attacheront une grande importance au regard ou, plus précisément, aux mouvements des yeux. Ainsi, pour les PNL’istes, il existerait six mouvements oculaires qui constitueraient une sorte de grille de lecture, et l’observation des yeux permettrait de préciser si le sujet dit ou non la vérité. A titre d’exemple, si on prend un "visuel" droitier et qu’on lui pose la question "Qu’as tu regardé à la télé hier soir ?", il devrait regarder en haut et à gauche : c’est ce que les PNL’istes appellent le "visuel souvenir". Si ce n’est pas le cas, c’est que vous ne dites pas la vérité (CQFD) et, tant pis, si ça ne marche pas à tous les coups ! Malheureusement, aucune étude de validation (pourtant facile à réaliser) n’est venu à ce jour étayer ces déclarations qui demeurent, par conséquent, à l’image des praticiens de la PNL : tout à fait péremptoires et, faut-il le préciser, anti-scientifiques.

La notion de programmation

Il est incontestable que certains de nos comportements constituent des automatismes, mais la question qui se pose est de savoir si on peut pour autant les généraliser à l’ensemble de nos comportements. Cette notion de programmation empruntée à l’informatique présuppose donc une vision extrêmement déterministe et rigide de notre comportement. Une fois programmé, l’être humain ne pourrait plus, en effet, le changer car celui-ci serait dicté par ses programmes. Or, contrairement aux PNL’istes, personne n’a encore réussi à identifier quels sont les facteurs qui interviennent dans un comportement. Comme le souligne d’ailleurs le psychiatre Edouard Zarifian : "Le changement existe dans les comportements psychologiques humains : cela s’appelle l’adaptation aux circonstances". Cette notion d’adaptation - qui présuppose une souplesse à la fois intellectuelle et cognitive de notre action par rapport à notre environnement - va donc totalement à l’encontre de cette notion de programmation qui suppose une rigidité de nos comportements. Fort heureusement, cette mauvaise programmation qui nous conduit à des comportements forcément inefficaces possède sa solution et légitime l’action des PNL’istes grâce à l’installation de nouveaux programmes. La distinction entre le fonctionnement d’un ordinateur (et ses logiciels) et celui d’un être humain est difficile à opérer pour un PNL’iste et il est certainement beaucoup plus facile pour lui de donner quelques "recettes" destinées à mieux communiquer que de décrire le fonctionnement complexe d’un cerveau sous ses aspects biochimiques et psychologiques, lui-même en interaction avec son environnement.

La dimension éthique

Influencer pour mieux manipuler

La PNL se fixe pour objectif de trouver des comportements qui puissent influencer autrui. Or cet ensemble de comportements trouve sa force non pas dans les techniques elles mêmes comme beaucoup de praticiens le supposent mais dans une relation de suggestion hypnotique qui ne dit pas son nom mais dont on trouve les fondements dans "le processus de l’ancrage" ou "le modèle Milton". Comme on sait que ce type de relation ne fonctionne que sur une population extrêmement limitée, il n’est donc pas étonnant que certains consultants - eux-mêmes praticiens en PNL et après l’avoir définitivement abandonnée - avouent à travers leur expérience que le miracle tant escompté en matière de communication n’a pas eu lieu (Le Mouel, 1991)

L’absence de preuves est un fait

Beaucoup de postulats sont présentés comme des faits reconnus par la communauté scientifique, ce qui est loin d’être le cas. Il n’y a qu’à choisir, à titre d’exemple, "la théorie des deux cerveaux". Ce paradigme a séduit depuis très longtemps l’entreprise et, en particulier, le management (La simplicité attire, la complexité fait fuir !). Or comme l’ont démontré certains chercheurs, cette hypothèse n’a jamais été validée et, comme le soulignait d’ailleurs H. Heacan, la systématisation de cette théorie reste spéculative (in La recherche en neurobiologie, 1988 ; Jean-Marie Abgrall, "Les charlatans de la santé", Documents Payot,1998 ; etc.). L’affirmation péremptoire et la répétition de ce type de message constituent des stratégies destinées à convaincre ses interlocuteurs et à faire oublier l’absence de fondements scientifiques.

La PNL, méthode thérapeutique

On constate - constat dramatique - que certaines personnes n’hésitent pas à se transformer après quelques (maigres) semaines de formation en "psychothérapeutes" (sans bien sûr, posséder, pour la majorité d’entre-eux de formation clinique)5. Devant une telle ambition ("celle de vouloir aider ou, même, soigner autrui"), on peut s’interroger non seulement sur la santé et l’équilibre mental de ces "praticiens"6 mais aussi sur le danger qu’ils font courir aux clients qui auront la naïveté d’aller les consulter (il n’y a qu’à parcourir les pages jaunes de l’annuaire pour découvrir les fameux "psychothérapeutes" qui se présentent comme des "spécialistes de la PNL"). Il n’est pas impossible non plus que le fait de vouloir devenir "psychothérapeute" soit le résultat logique d’un processus de manipulation. Faire croire, en effet, au "tout venant" que la PNL est la "méthode miracle", la seule susceptible d’expliquer tous les comportements humains et de répéter ce type de message, sous des formes multiples et variées, constitue un renforcement que l’on retrouve dans n’importe quelle technique de conditionnement. Cette façon de procéder est d’autant plus efficace que les sommes versées (et exigées par les fameux "maîtres praticiens") sont très élevées. Elles constituent, en effet, un facteur susceptible de légitimer non seulement le contenu des formations et l’efficacité de la méthode ("si c’est cher, c’est donc que c’est sérieux et que ça marche") mais aussi le statut des "spécialistes" qui délivrent le contenu de leur (pseudo)-savoir ("si c’est aussi cher, c’est donc qu’on a à faire à de véritables spécialistes").

En conclusion

Les fondements de cette discipline et l’absence systématique de vérification - au sens scientifique du terme - nous font conclure à une utilisation abusive et, surtout anti-scientifique. Quant à l’emploi de cette méthode à des fins psychothérapeutiques, on ne peut qu’être inquiet quant au devenir des patients qui consulteront ces "pseudo-praticiens".

Et la P.N.L., on l’a vu, a du succès.Selon nous, le phénomène n’est pas près de s’éteindre. Sans véritable théorie et très simple à comprendre et à mettre en œuvre, elle fascine tous ceux qui sont attirés par une psychologie naïve et superficielle qui leur explique comment faire sans jamais se préoccuper du "pourquoi". Elle fascine tous ceux qui pensent qu’il est légitime d’utiliser une technique sans en connaître les bases théoriques et conceptuelles. Elle fascine tous ceux qui pensent que l’on peut tout affirmer sans jamais avoir vérifié quelles sont les méthodes qui ont permis d’aboutir à de telles affirmations. Il n’est donc pas étonnant que la PNL ait envahi le domaine de la formation continue - où l’esprit critique est aussi vide que la discipline elle-même - et qu’elle ait également touché le monde des cabinets conseils spécialisés dans le recrutement (dont les consultants sont toujours prêts à utiliser n’importe quelle méthode dès lors qu’il s’agit de recruter un collaborateur). Utilisée très souvent par des praticiens sans véritable formation, elle permet d’appliquer très rapidement un ensemble de recettes supposées aider certains sujets à retrouver leur équilibre psychologique (dans le domaine de la psychothérapie) ou/et à améliorer leur communication avec autrui. En fait, il ne s’agit que d’une gigantesque manipulation.

Ce n’est donc pas un hasard si Y. Winkin, professeur d’anthropologie de la communication qui a travaillé avec certains acteurs de l’Ecole de Palo Alto, qualifie la PNL de "fraude intellectuelle", "d’exploitation de la confiance" et de "manipulation des idées et des hommes". Mais ce qu’il y a de plus extraordinaire dans cette discipline, c’est la certitude de ses praticiens : pas la moindre modestie, la vérité est du côté de la PNL. Nous n’aborderons pas dans cet article les relations étranges qu’entretient cette technique avec des mouvements new-age ou sectaires. Il est vrai que, lorsque l’on débat avec les PNL’istes, on ne peut être que surpris par un discours qui ressemble beaucoup à ceux que peuvent délivrer certains adeptes de sectes. Comme le souligne d’ailleurs Y. Winkin en parlant du "discours prophétique" de la PNL : "elle relève in fine du phénomène religieux. Il est normal qu’on la persécute".

1 Cette définition est traduite de l’américain et il nous semble peu probable, vu la superficialité intellectuelle et théorique des praticiens de la PNL, que ceux ci soient en mesure de faire la différence entre le terme anglo-saxon "epistemology" qui peut être défini comme une théorie de la connaissance et le terme français utilisé comme un synonyme de philosophie des sciences..

2 Il est utile de préciser au lecteur que les praticiens de "l’Ecole de Palo Alto" se sont intéressés notamment à la schizophrénie en recherchant comment utiliser les "messages paradoxaux" sur un plan thérapeutique.

3 Un tel positionnement est d’autant plus inquiétant que la majeure partie des gens qui iront les consulter ne feront aucune différence entre un psychologue ou un psychiatre utilisant la méthode psychothérapeutique et le psychothérapeute utilisant la PNL.

4 Si vous vous croisez les bras, c’est que vous êtes obligatoirement quelqu’un de fermé à autrui. Si vous êtes en face d’une personne qui a ce type de comportement, le PNL’iste vous conseillera de vous croiser également les bras afin de vous mettre en phase avec votre interlocuteur, l’objectif étant d’améliorer sa communication.

5 Si les titres de psychologue et de psychiatre sont protégés par le code pénal (et ses décrets d’application), ce n’est pas le cas des "psychothérapeutes" (chacun peut s’installer comme "psychothérapeute" du jour au lendemain sans aucune formation). Un projet de loi a été dernièrement déposé pour lutter contre ce type de dérive.

6 L’idée qui voudrait qu’un "psy" donne des conseils à ses patients est encore très répandue dans l’esprit du grand public. Si tel était le cas, on pourrait légitimement s’interroger sur la santé mentale de ce type de praticien. Cette manière de procéder est pourtant celle qu’utilise la PNL. Cette "discipline" n’existe, en effet, que par rapport aux recettes et aux judicieux conseils qu’elle donne à ses clients (ou patients).

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27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 14:13

Il nous paraît bien difficile de décrire en quelques pages, de manière exhaustive, quels sont les présupposés, les fondements et les objectifs de la programmation neuro-linguistique (PNL). Notre approche sera, de ce fait, relativement synthétique et pour tous ceux qui souhaiteront aller plus loin dans la réflexion, une bibliographie sommaire sera proposée à la fin de cet article.

Le fait que la PNL soit une méthode fréquemment utilisée dans le domaine des ressources humaines - notamment dans le cadre de la formation continue et, dans une moindre mesure, dans le recrutement - ne doit pas être considérée comme une preuve de sa pertinence, bien au contraire.

Tentative de définition de la PNL

Donner une définition de la PNL semble impossible tant la diversité de celles que nous avons consultées est grande. Pour certains, elle serait ainsi "une étude de l’expérience subjective", ou une "nouvelle approche de la communication et du changement". Pour d’autres, sautant allègrement le pas de la communication à la psychologie, elle serait une "nouvelle approche de la personnalité". Quelles que soient les définitions proposées, la stratégie sera toujours la même : derrière un hermétisme pseudo-conceptuel, elles tenteront, par le biais d’un discours plus ou moins obscur, de dissimuler un nombre incalculable de contrevérités - parfois naïves, souvent grossières - comme nous le découvrirons dans cet article.

Ainsi, à titre d’illustration de cet hermétisme pseudo-conceptuel : "La PNL serait un processus et le modèle d’un processus", elle serait "un modèle de l’expérience subjective et la manière dont cette expérience influe sur notre comportement. En tant que modèle la PNL peut être considérée comme une " épistémologie " de l’expérience. Les modèles épistémologiques tels que le modèle de la PNL sont des modèles uniques dans la mesure où l’acte de penser à de tels modèles les fait devenir une partie de notre expérience" (Dilts, 1995)1

Fondements et origine de cette méthode

Pour un de ses "spécialistes", la PNL a été conçue dans les années 1970 en "croisant les apports méthodologiques de la cybernétique, de l’informatique, de la linguistique avec, d’une part, les approches communicationnelles issues de l’École de Palo Alto et d’autre part l’apport des sciences cognitives" (Cayrol, 1990). De telles origines pourraient immédiatement faire croire à une certaine légitimité de la méthode, ces différentes disciplines ne sont-elles pas, en effet, enseignées dans les universités les plus prestigieuses de la planète ? Ne constituent-elles pas, pour la plupart, les fondements de la plupart des disciplines scientifiques ? Mais qu’en est-il véritablement ?

Quand on connaît l’extrême complexité de disciplines comme la neurologie (ainsi que les disciplines associées comme la biochimie cérébrale ou encore les neurosciences), la linguistique ou les sciences cognitives (et la cybernétique), on pourrait légitimement s’attendre à une explication de la PNL relativement difficile d’accès notamment pour le néophyte. C’est pourtant loin d’être le cas puisque pour Hevin et Turner, deux illustres praticiens de la méthode, la PNL s’intéresse à la "programmation créée par les interactions entre le cerveau (neuro), le langage (linguistique) et le corps qui produisent aussi bien des comportements efficaces qu’inefficaces". Ces deux "génies" ont donc découvert que nous nous servions d’un langage pour communiquer et que nous utilisions notre cerveau et notre corps pour nous faire comprendre d’autrui. Cette explication, qui n’est d’ailleurs pas tout à fait fausse, illustre parfaitement la complexité intellectuelle de cette discipline ! Plus sérieusement, elle illustre la stratégie sous-jacente qui est de rendre compliqué ce qui, pourtant, est simple ("si c’est compliqué, c’est donc que c’est sérieux" pourront - naïvement - penser certains).

Bien évidemment, n’ayant pas encore suivi les différentes recettes préconisées par les "spécialistes de la PNL", nous ne pouvons, malheureusement, pas encore éviter les comportements inefficaces (par opposition aux comportements supposés efficaces !).

La simplicité intellectuelle de la PNL tant au niveau de ses fondements que de ses objectifs est d’ailleurs ce qui fait son succès. Acquise en quelques semaines dans des "Instituts" ou des "Centres de développement" et ouverte au "tout venant" sans autre obligation que de s’acquitter du prix - généralement prohibitif - de la formation, la PNL fascine un public peu formé à la démarche scientifique et surtout extrêmement naïf dès lors qu’il est question de "communication", de "développement personnel" ou de "psychologie" (nous faisons, bien entendu, référence à la "psychologie naïve ou quotidienne" par opposition à celle qui est enseignée au sein de l’université).

 

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27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 13:46

TMRLoftus.jpg«Dans les années 1980 se développa aux États-Unis un phénomène baptisé le « syndrome des faux souvenirs »  Des parents furent accusés d’inceste par leurs enfants devenus adultes, qui suivaient une « thérapie de la mémoire retrouvée » (TMR). Avec dix ans de retard, ce phénomène s’est développé en France.»

«... Tout problème psychique fut réduit à un seul type de traumatisme possible, une seule cause : les abus sexuels subis dans l’enfance. Au départ, la thérapeutique de Freud ne consistait pas, comme il l’a ensuite prétendu, à écouter des souvenirs spontanés d’abus, mais à encourager ses patients à construire des scènes dont ils n’avaient aucun souvenir. Selon lui, les patients ne retrouvaient pas de tels souvenirs tant qu’ils n’étaient pas soumis à « la pression la plus énergique du procédé analyseur.» Il insistait sur le fait que seul le souvenir refoulé et donc inconscient constituait, une fois retrouvé, la preuve de l’évènement traumatique. C’est ainsi que les patients qui ne retrouvaient pas de souvenirs d’abus subis pendant leur enfance étaient considérés comme en proie au souvenir inconscient et donnaient justement la « preuve » de la réalité de ces abus et de leur rôle pathogène.»

«Le mouvement féministe puisa une partie de son énergie dans le rejet des confidences des enfants et des femmes réellement abusés. Ces victimes réelles, rejetées par les psychothérapeutes freudiens, se réfugièrent auprès de thérapeutes autoproclamés qui acceptaient de les écouter. Puis se joignirent à elles des femmes n’ayant pas de souvenirs d’inceste, mais que leur psychiatre ou psychothérapeute avaient diagnostiquées comme souffrant de souvenirs d’inceste refoulés. Des livres phares apparurent, tels que The Courage to Heal d’Ellen Bass et Laura Davis. Des groupes de thérapie pour « survivantes de l’inceste » se multiplièrent, puisant dans ces livres leurs arguments et leurs techniques de recouvrement de souvenirs : « Au milieu des années 1980, l’idée (désormais médiatiquement acclamée) que des millions de gens aux États-Unis souffraient de souvenirs refoulés d’inceste, alimentait une gigantesque machine thérapeutique à produire des faux souvenirs. ».

Les auteurs utilisèrent la naïveté de ces femmes : « Si vous pensez avoir été abusée et que votre vie en porte les symptômes, alors c’est que vous l’avez été. ». La liste des symptômes comprenait entre autres : la peur d’être seul dans l’obscurité, des cauchemars, une mauvaise image de son corps, des maux de tête, la nervosité, une faible estime de soi, etc.

Exprimant ses doutes, Webster écrit que, jamais jusqu’à aujourd’hui, on n’a pu apporter « des preuves solides qu’un seul souvenir d’abus sexuel retrouvé en thérapie corresponde à de réels épisodes. On a en revanche abondamment prouvé que la mémoire surtout la mémoire enfantine est extraordinairement malléable et imprécise. »
TMR.jpg
L’article complet propose des compléments d’analyse et des pistes pour comprendre comment un patient peut en venir à croire lui-même à des souvenirs pourtant induits par le thérapeute.

Le graphique ci-dessus montre indique pour chaque année le nombre de cas d’accusations survenus aux États-Unis pendant la période de 1970 à 2000, sur un échantillon de 1734 questionnaires envoyés aux abonnés à la Newsletter de la FMFS (False Memory Syndrome Foundation). Notons aussi que 20 ans de recherches universitaires et plus de 20‘000 sujets d’études ont permis à Elisabeth Loftus de démontrer que l’affirmation que des souvenirs peuvent être refoulés est sans fondement.

Un des aspects terrible de cette épidémie de faux souvenirs est le risque de ne plus croire les vraies victimes. Il importe donc de mettre au point de nouveaux outils psycho-socio-juridiques pour, d’une part, éviter d’accuser un parent à tort, et d’autre part éviter un enfant victime ne puisse jamais être entendu.

Cependant une prise de conscience a été faite:

«Cependant quelques lueurs d’espoir se font jour. Eric Kandel [20] expose ses recherches actuelles et celles des neurobiologistes. Il met en relief le caractère modelable et falsifiable de la mémoire. Les associations professionnelles de psychologues en Grande-Bretagne et aux USA ont mis en garde et même interdit à leurs membres dès 1997 d’employer des thérapies de recouvrement des souvenirs. On ne peut que souhaiter que les psychothérapeutes qui utilisent les TMR prennent conscience du non-sens de leur pratique et de l’ampleur des dégâts humains qu’ils provoquent. En France, le rapport de la Miviludes (Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires), publié en avril 2008, dénonce ces thérapies déviantes et contribue à mettre en pleine lumière ce phénomène.»

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26 novembre 2011 6 26 /11 /novembre /2011 15:33

 

EnquêteUne réunion interne, révélée par «Libération», montre que la firme entend tirer profit des rémunérations qu’elle accorde aux médecins.

On pensait que le scandale du Mediator avait créé un électrochoc sur les conflits d’intérêts entre médecins et laboratoires. La transparence sur ces liens parfois incestueux est au cœur de la loi post-Mediator, dont l’examen a repris mardi soir à l’Assemblée. Mais une réunion interne de MSD France (filiale de l’américain Merck), dont Libération s’est procuré l’enregistrement, montre que les habitudes ont la vie dure. Des cadres y expliquent qu’il faut choyer les médecins «positifs» envers le laboratoire. Le directeur médical suggère même que MSD neutralise les experts critiques avec une «valise de biftons». (voir la vidéo)

L’histoire commence en juin. L’Agence européenne du médicament (Emea) prévient Merck que le Victrelis, son nouveau traitement pour l’hépatite C, est sur le point d’obtenir une autorisation de mise sur le marché pour l’Europe (1). Le labo contacte la Haute Autorité de santé (HAS) pour qu’elle lance l’évaluation. L’enjeu est crucial pour MSD : le verdict de la HAS déterminera le prix du Victrelis et son taux de remboursement par la Sécu.

Mais depuis l’affaire du Mediator, la HAS se méfie. Le 20 juin, elle demande pour la première fois au labo de fournir la liste de tous les experts qu’il a rémunérés - généralement des mandarins hospitaliers -, afin de ne pas les désigner pour évaluer le Victrelis.

«Incroyable». Cette exigence de transparence est au menu, le 23 juin, d’une réunion au siège de MSD à Courbevoie (2), animée par le directeur médical Dominique B.. Son adjoint en charge des hépatites explique que «d’habitude, [la HAS] ne demande jamais ça». Le directeur des opérations cliniques juge cette exigence «incroyable». Il ne comprend pas que les agences écartent les médecins rémunérés pour conduire les essais cliniques destinés à prouver l’efficacité du médicament. Du coup, «ils vont avoir du mal à trouver des gens valables», regrette-t-il. «Un type qui a été dans l’étude […] risque d’être orienté», rappelle le directeur médical.

Mais la transparence semble poser problème. Le responsable médical des hépatites explique, dans un «trait d’humour», qu’il faudrait arrêter de rémunérer les médecins «dont on sait qu’ils sont positifs» envers Merck… afin qu’ils puissent être nommés comme experts et défendre ses molécules auprès des agences. Mais pour le Victrelis, «là, c’est trop tard», répond le directeur médical. Dominique B. ajoute alors qu’«il faut penser à verser de l’argent à tous ceux [les médecins] qui sont négatifs», ce qui les empêcherait d’être désignés par les agences. «Mais je crois que c’est déjà fait !» lance un cadre, provoquant l’hilarité dans la salle. Le directeur médical en rajoute : «Il y a des mecs qui n’aiment vraiment pas […] MSD. Il faut aller les voir avec une valise de biftons et leur dire : "Ecoutez, on va signer un petit contrat tous les deux." Il y en a qui vont voir l’argent arriver, ils ne vont rien comprendre.»«Neutralisés», conclut son adjoint en charge des hépatites.

«Amalgame». Interrogé par Libération, le laboratoire relativise. «MSD réaffirme avec force son attachement à la totale transparence des liens avec les experts, et regrette l’amalgame fait entre un possible mauvais trait d’humour et la position du groupe sur un sujet aussi important», indique une porte-parole. Il n’empêche, l’affaire est révélatrice d’une vision problématique des conflits d’intérêts. Merck s’était déjà illustré en la matière aux Etats-Unis avec le Vioxx -un anti-inflammatoire dangereux retiré du marché en 2005 -, pour lequel elle avait payé des médecins afin qu’ils cosignent des articles scientifiques rédigés par la firme. «Ce discours est complètement déconnecté du contexte actuel», réagit, choqué, un cadre de la HAS, à qui Libération a fait écouter l’enregistrement.

Au final, MSD a bien fourni la liste de ses experts rémunérés. Ce qui a permis à la HAS de désigner deux médecins non liés à la société pour évaluer le Victrelis, dont le dossier sera examiné en commission mercredi. Mais l’Agence française du médicament (Afssaps), qui a co-instruit le dossier auprès de l’Emea, a choisi un médecin rémunéré par Merck comme expert pour le Victrelis. L’Afssaps répond qu’il est parfois «difficile de trouver des experts sans liens d’intérêt», que «[l’évaluation a été réalisée] collectivement» par les commissions de l’agence. La loi post-Mediator, qui prévoit que les laboratoires déclarent toutes les sommes versées aux médecins, devrait enfin faciliter le travail des agences.

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26 novembre 2011 6 26 /11 /novembre /2011 15:31

 

Mercredi dernier à 21h45

Info Libé + document audio«Libération» diffuse l'enregistrement d'une réunion interne qui en dit long sur la vision décomplexée des conflits d'intérêt qui s'exprime encore au sein de certaines firmes pharmaceutiques.

La loi réformant le système de santé suite au scandale du Mediator, dont l'examen en seconde lecture a repris mardi soir à l'assemblée, prévoit que les labos seront obligés de déclarer les rémunérations qu'ils versent aux médecins.

Ce ne sera pas du luxe, vu la vision décomplexée des conflits d'intérêt qui s'exprime encore au sein de certaines firmes pharmaceutiques. C'est en tout cas ce qui ressort de l'enregistrement d'une réunion interne de MSD France (l'entité française de l'américain Merck), où le directeur médical du laboratoire évoque en souriant l'idée de payer les médecins trop critiques envers Merck avec «une valise de biftons», afin de créer un lien d'intérêt avec eux. Et d'empêcher ainsi qu'ils ne soient désignés par les autorités de santé pour évaluer les molécules du laboratoire.

Cette réunion s'est tenue le 23 juin au siège de Schering Plough France (racheté par Merck en 2009) à Courbevoie, en proche banlieue parisienne (1). Au menu: la prochaine évaluation de l'efficacité du Victrelis, nouveau traitement de Merck contre l'hépatite C, par la Haute autorité de santé (HAS). L'enjeu commercial est majeur, puisque l'appréciation de la HAS détermine le prix des médicaments et leur taux de remboursement par l'Assurance maladie.

Le 20 juin, trois jours avant la réunion, la HAS avait demandé, pour la première fois, à MSD, de fournir la liste des experts qu’il a rémunérés (en général des grands médecins hospitaliers), afin de ne pas les désigner pour évaluer le Victrelis.

L'enregistrement de la réunion montre que cette exigence de transparence et d'indépendance a du mal à passer au sein du labo. Le responsable des opérations cliniques ne comprend pas que les agences écartent les médecins rémunérés pour conduire les essais cliniques. «Ils vont avoir du mal à trouver des gens valables», dit un participant.

Un autre émet alors l'idée que les médecins favorables au labo ne soient plus rémunérés, afin qu'ils puissent être désignés comme experts par les agences en charge du médicament. «Là, c’est trop tard», répond le directeur médical. Vu les exigences de la HAS en matière d'indépendance, il lance alors, sur le ton de la plaisanterie, l'idée de neutraliser certains médecins en les rémunérant: «Il y a des mecs qui n’aiment vraiment pas Schering Plough et MSD, il faut aller les voir avec une valise de biftons et leur dire “écoutez on va signer un petit contrat tous les deux”. Il y en a qui vont voir l’argent arriver, ils ne vont rien comprendre.»

Interrogé par Libération, le laboratoire relativise. «MSD réaffirme avec force son attachement a la totale transparence des liens avec les experts et regrette l’amalgame fait entre un possible mauvais trait d’humour et la position du groupe sur un sujet aussi important», indique une porte-parole.

Cette conversation est toutefois révélatrice de la manière, pour le moins problématique, dont certains laboratoires envisagent leur collaboration avec les médecins. Une culture que l'affaire du Mediator ne semble pas avoir suffi à amender.

(1) En France, la fusion entre MSD Chibret (Merck) et Schering Plough (SP) est juridiquement effective depuis le 1er juillet, mais ne s'est pas encore concrétisée sur le terrain. D'autant plus que la justice a gelé, le 17 novembre, le plan de suppressions d'emplois prévu par Merck. Il y a donc encore deux entités juridiques et deux sièges sociaux, même s'il y a un directeur médical unique pour MSD et SP.

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