Le scandale du Mediator, puis celui des pilules de 3e et 4e générations ont mis en lumière les conséquences dramatiques de la collusion entre les experts, les autorités sanitaires et les firmes pharmaceutiques. A la suite de la loi sur la « sécurité du médicament », votée en décembre 2011, un décret relatif à la transparence des relations entre les laboratoires et les professionnels de la santé (appelé « sunshine » en référence à ce qui existe aux Etats-Unis) a été publié le 22 mai dernier au Journal officiel.
Mais, selon le collectif Europe et Médicament, créé en 2012 (dont la revue Prescrire, l'association de médecins indépendants Formindep, le Syndicat de médecine générale... sont membres), il risque de passer à côté de son objectif : la prévention des catastrophes de type Mediator.
En effet, le nouveau décret n'exige pas de rendre publique « l'existence de contrats entre les firmes et les leaders d'opinion » facturant à ces dernières des « prestations de service ». Une disposition qui n'oblige pas les médecins les plus liés à l'industrie (les leaders d'opinion sont invités aux congrès organisés par les laboratoires, ils sont souvent payés par eux pour faire des conférences et diffuser les informations sur un nouveau médicament auprès de leurs collègues et des médias, etc.) à faire preuve de transparence alors qu'ils sont très influents dans le monde médical.
Il suffira qu'ils facturent une « prestation de service » à une firme « pour que la firme échappe à l'obligation de signaler publiquement l'existence d'un contrat », pointe le Collectif, qui déplore que le décret se borne à une « simple loi anti-cadeaux ».
Par ailleurs, à partir d'octobre 2013, les étudiants en médecine et les professionnels de la santé devront déclarer les avantages en nature ou en argent supérieurs à 10 euros procurés par les firmes. Le Collectif rappelle, cependant, que l'indépendance ne se marchande pas et que l'inflluence inconsciente des « petits cadeaux » a été démontrée dans de nombreuses études : « Stylos, petits déjeuners offerts lors des staffs hospitaliers, etc., contribuent à entretenir un climat de bienveillance vis-à-vis du donateur ». Il souligne « qu'aucun cadeau d'une firme à un soignant ne doit être considéré comme normal ».
Avancée : les déclarations de liens d'intérêts devront figurer sur un site Internet public. Pour l'heure, aucune date d'ouverture n'a été mentionnée, et il n'est pas spécifié, non plus, comment pourront s'effectuer les recherches (nom du médecin, spécialité, firme, région...). De plus, la durée de publication des données est prévue pour cinq ans à compter de la mise en ligne.
Le Collectif Europe et Médicament a saisi le ministère de la Santé pour que les déclarations, même si elles ne sont plus consultables en ligne,« soient archivées pendant trente ans et accessibles sur demande expresse, notamment afin d'enquêter en cas de désastre sanitaire ». C'est le nombre d'années durant lesquelles les patients ont été exposés aux effets indésirables du Mediator, avant qu'il soit retiré du marché en 2009.