Moins de la moitié des résultats d'essais cliniques portant sur des médicaments sont publiés. Conséquence : Une grande partie des méta-analyses sur lesquelles se fondent les autorités sanitaires pour évaluer la qualité des médocs surévaluent leur efficacité.
On pourrait croire que la gestion des médicaments se fonde sur des méthodes scientifiques rigoureuses et suivies. On est loin du compte. Le British Medical Journal (BMJ) vient de publier une série de sept articles qui fustigent la "culture de publication au petit bonheur la chance et de divulgation de données incomplètes" de l'industrie pharmaceutique.
Les chercheurs se sont penchés sur des médocs approuvés par la Food and Drug Administration (FDA, agence US de sécurité sanitaire), sur différentes périodes. Ils ont comparé les études publiées dans la littérature scientifique à celles qui ont été soumises à la FDA (*).
46% des études surévaluent l'efficacité des médicaments
Résultat : seulement 22% des résultats des essais cliniques avaient été déclarés aux autorités un an après leur finalisation, malgré une loi de 2007 rendant cette déclaration obligatoire. Et moins de la moitié des études avaient été publiées dans la presse scientifique dans les 30 mois suivants.
Le problème, c'est que les méta-analyses (synthèses des résultats d'essais cliniques) sur lesquelles se fondent les scientifiques pour évaluer l'efficacité ou la dangerosité des médicaments ne prennent pas en compte les résultats d'essais non publiés. Les chercheurs ont donc refait les calculs en réincorporant ces études oubliées : sur 42 méta-analyses portant sur 9 médicaments, 46% des conclusions avaient surestimé l'efficacité des médicaments. Dans 7% des cas, les résultats étaient identiques et dans 46% des cas, l'efficacité des médocs était sous-estimée. Bref, on nage dans un flou total.
L'industrie pharmaceutique soigne ses médicaments
En conséquence, il est "presque impossible" pour les patients et les médecins d'évaluer les risques et les avantages réels des médicaments, notent les doc' Lehman et Loder, qui ont mené l'enquête. "La dissimulation de données doit être considérée comme une grave violation de l'éthique, et les chercheurs qui ne divulguent pas leurs données devraient être soumis à des mesures disciplinaires par les organisations professionnelles" concluent-ils. Et Dr Kate Law, directrice du centre britannique de recherche sur le cancer, de rajouter que certaines firmes "cachent" délibérément leurs résultats négatifs, de peur du "désastre commercial".
Bref, pour conclure, "les médecins administrent des médicaments dont ils savent très peu, à des malades dont ils savent moins, pour guérir des maladies dont ils ne savent rien" [Voltaire].
(* : cette étude ne prend donc en compte que les études déclarées à la FDA, ce qui n'est pas toujours le cas)
[Sources : minnpost.com, bmj.com, bmj.com, blogs.nature.com, blogs.scientificamerican.com, independent.co.uk, dailymail.co.uk]
(Article publié sur le site "Les mots ont un sens")
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6 janvier 2012 17:11, Les mots ont un sens, par Napakatbra |