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6 novembre 2011 7 06 /11 /novembre /2011 11:53



Des voix s'élèvent pour dénoncer les tragiques effets secondaires de médicaments mal prescrits

«Je ne dis pas que ce sont les médicaments qui l'ont tuée, mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'ils y sont pour quelque chose...» Foulard Hermès et Brushing impeccable, Marie-Claude D., épouse d'un ingénieur parisien et mère de quatre enfants, étouffe un sanglot en évoquant sa fille cadette, Olivia, qui s'est suicidée l'an dernier, à l'âge de 18 ans. «Elle était rebelle et repliée sur elle-même, je ne comprenais pas. Elle avait déjà fait une tentative à 14 ans. J'ai appris plus tard, en lisant son journal, qu'elle avait subi une agression sexuelle et n'en avait jamais rien dit. Elle a finalement réussi à passer son bac, mais s'est remise à déprimer. Nous l'avons emmenée chez un généraliste, qui lui a prescrit du Prozac. Deux mois plus tard, elle n'allait pas mieux. Il a augmenté les doses, en ajoutant un tranquillisant.» Un soir de novembre, Olivia avale le contenu des boîtes de pilules après avoir rédigé une lettre d'adieu. Elle se réveille quelques heures plus tard dans un demi-coma et, constatant qu'elle est toujours vivante, se hisse jusqu'à la fenêtre et saute du 6e étage. «Elle avait une rage d'en finir, soupire sa mère. Depuis, j'ai appris que ces médicaments pouvaient favoriser les pulsions suicidaires. Et je m'interroge.»

 

 

Elle n'est pas la seule. Adhérente de l'association Phare enfants-parents, Marie-Claude participe régulièrement au «groupe de parole des parents endeuillés». Chaque dernier samedi du mois, une vingtaine de pères et de mères d'adolescents suicidés ou tués dans des accidents de la route se retrouvent pour discuter et s'entraider dans leur terrible épreuve. Un sujet revient souvent dans les conversations: celui des psychotropes et de leurs effets secondaires. Leurs enfants suicidés prenaient presque tous des anxiolytiques, des somnifères ou des antidépresseurs pour calmer leur mal de vivre. Des médicaments dont l'usage s'est banalisé ces dernières années, chez les adultes comme chez les jeunes, et dont les spécialistes dénoncent aujourd'hui les abus et les risques.

 

La consommation de «pilules pour la tête» chez les enfants et les adolescents connaît en France une véritable explosion. «Je vois arriver dans ma consultation des gamins de 11-12 ans avec des ordonnances de grand-mère comprenant des calmants le matin et des somnifères le soir, s'indigne Xavier Pommereau, chef de service de psychiatrie pour adolescents du CHU de Bordeaux. Certains sont carrément accros aux médicaments depuis deux ou trois ans et nous sommes parfois obligés de les sevrer à l'hôpital, avant toute prise en charge. Il y a une dérive évidente dans ce domaine depuis quelques années: il est temps de tirer la sonnette d'alarme.» Les jeunes semblent recourir aux pilules au moindre malaise, comme une gomme à effacer les problèmes. Selon une enquête quadriennale de l'Inserm menée auprès de lycéens, les adolescents français arrivent au deuxième rang européen pour la consommation de médicaments «psy», à égalité avec la Croatie: 19% des garçons et 26% des filles de 16-17 ans reconnaissent en avoir pris au moins une fois, avec ou sans ordonnance. Une étude menée à Strasbourg en 1989 a montré que 12% des enfants à l'école primaire étaient traités avec force sirops ou pilules pour des troubles du sommeil, dont les trois quarts depuis l'âge de 4 ans!

 

«Le phénomène s'est accéléré depuis dix ans, note Manuel Bouvard, pédopsychiatre à l'hôpital Charles-Perrens, à Bordeaux. Les psychotropes sont de plus en plus souvent prescrits pour l'insomnie, l'agitation, l'anxiété ou la boulimie, troubles qui n'ont rien à voir avec leur indication de départ.» On prescrit un peu n'importe comment et à n'importe qui: les spécialistes estiment que 6 à 7% des adolescents sont réellement déprimés, dont la moitié ne sont pas traités, alors que beaucoup d'autres sont mis sous antidépresseur sans réelle justification. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce ne sont pas les psychiatres qui délivrent le plus d'ordonnances, mais les généralistes, à l'origine de 90% des prescriptions, y compris pour les enfants. Dans la moitié des cas, les jeunes obtiennent le médicament sans passer par le cabinet d'un médecin, en se servant simplement dans la pharmacie de leurs parents. Les pilules font aussi l'objet de trafics dans les cours de récréation des collèges et des lycées. «On fustige le cannabis et l'alcool, mais personne ne parle de la toxicomanie pharmaceutique, dénonce le psychiatre Roland Broca, président de la Fédération française de santé mentale. Les médicaments ne sont pas systématiquement recherchés en cas d'accident de la route, mais je suis persuadé qu'ils sont responsables de presque autant de morts que l'alcool.»


Des relations difficiles avec l'école et leur famille

Les jeunes Français seraient-ils victimes d'une épidémie de dépression? Bourrés de psychotropes, ils sont aussi de plus en plus nombreux à essayer de se suicider, comme les deux collégiennes de Calais qui ont disparu après avoir annoncé leur geste sur Internet. Si le nombre de moins de 25 ans qui «réussissent» reste stable (moins d'un millier par an), celui des tentatives ne cesse de progresser: entre 10 000 et 15 000 adolescents chaque année. Sans compter les nombreux cas qui ne donnent pas lieu à hospitalisation et passent inaperçus. «Ce chiffre a progressé de 40% depuis dix ans, en particulier chez les filles, explique Marie Choquet, épidémiologiste à l'Inserm. Les pensées suicidaires ne sont pas plus nombreuses qu'avant, mais il semble que l'on passe de plus en plus facilement à l'acte, comme si le geste se banalisait.» La plupart des candidats au suicide sont, apparemment, des ados comme les autres: ils ont des amis, sortent souvent, ont une relation amoureuse dans 70% des cas; leur consommation d'alcool ou de drogue n'a rien d'exceptionnel et leurs parents sont en majorité mariés et vivent ensemble. «Mais 82% d'entre eux sont considérés comme déprimés, poursuit Marie Choquet. Ils ont des relations difficiles avec le système scolaire ou professionnel et surtout avec leur famille. Les garçons sont deux fois moins touchés que les filles, mais, chez eux, le malaise se traduit plutôt par des comportements violents et des conduites à risque, comme la toxicomanie. On voit aussi augmenter les gestes d'agression contre soi-même, comme les scarifications, les tatouages, et les piercings.»

 

«Je vois arriver dans ma consultation des gamins de 11-12 ans avec des ordonnances de grand-mère comprenant des calmants le matin et des somnifères le soir»

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