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2 novembre 2011 3 02 /11 /novembre /2011 13:48

 

Il y a le suicide du grand-père que l'on maquille en accident pour préserver la légende familiale. La double vie que l'on découvre au bord de la tombe, la cousine qui se révèle être la demi-soeur. Beaucoup de familles ont un secret, tissé au fil des ans, pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Mais les mensonges entassés sont parfois plus toxiques que le choc d'une révélation scandaleuse. C'est en tout cas ce qu'ont toujours défendu les psychanalystes. Aujourd'hui, pourtant, alors que plus grand-chose ne fait vraiment scandale et que l'on se dit tout jusqu'à l'exhibitionnisme, certains praticiens s'insurgent contre le dogme de la transparence. Il y a, préviennent-ils, des réalités assénées qui font parfois plus de mal qu'un joli secret bien emballé. Garder un secret de famille est une tâche épuisante. Le dévoiler, une entreprise périlleuse

Elle prévient tout de suite: son mari ne sait vraiment rien, son fils non plus. «Je n'en ai parlé qu'à une amie et à mon médecin.» Elle souffle: «Avec vous, cela fait trois.» Trois confidents en trente ans, ce n'est rien. Et c'est déjà trop. Trop de fuites, trop de défaillances. Elise * abrite une si «grande honte», dit-elle, un secret si indigeste qu'en le brisant elle risque de pulvériser une enfilade de destins: le sien, celui de ses frères et de ses neveux. Mieux vaut les épargner. Alors Elise musèle ses journées, puis bâillonne ses nuits. Une vie à mentir, c'est épuisant et ça rend méfiant. On lui garantit l'anonymat, elle double ses exigences: «Laissez-moi le temps de réfléchir. Et ne m'appelez jamais à mon domicile!» Deux jours plus tard, elle réapparaît. Prête à lâcher sa vérité. 

In vitro veritas

Une enquête inédite montre des parents très décidés à dire la vérité aux enfants de l'éprouvette
Souhaitez-vous dire à votre enfant comment il a été conçu? Si oui, à quel âge? Votre entourage est-il au courant? Dans une enquête inédite *, quelque 540 couples, suivis pour une fécondation in vitro (FIV) intraconjugale - sans donneur extérieur - ont répondu à 70 questions sur l'impact du secret. Dès le début de leur grossesse, 73,5% des femmes ont l'intention de dire la vérité à leur enfant, contre 69,5% des hommes. Entre l'âge de 4 et 7 ans pour la majorité. Leur entourage est au courant de leur démarche: la famille (93,7% des cas), les collègues et les amis (89,8%). «C'est frappant de voir combien les couples sont préoccupés par ce dilemme: dire ou ne pas dire, relève François Olivennes. La plupart préfèrent tout dire: pour 95% des femmes, il est impossible de garder le secret toute leur vie.»
Au début des années 1980, les équipes médicales en France penchaient plutôt pour la discrétion. Plus de 10 000 bébés naissent chaque année par FIV, et le discours a changé. «Il n'y a plus ce côté apprenti sorcier qui gênait les parents, relève Sylvie Tiné-Brissiau, psychologue spécialisée dans le suivi de ces couples. Mieux vaut parler de la FIV à son enfant. Il n'y a pas pire qu'une révélation brutale à 10 ans, par un oncle, entre la poire et le fromage! Ce qui aurait été un non-événement s'il l'avait appris par ses parents est alors vécu comme une trahison.» Pour la majorité des femmes (58,3%), le fait que tout le monde sache la vérité sauf l'enfant risque de lui causer un trouble psychologique. Enfin, interrogés sur les secrets de famille, 18,6% des femmes et 12,6% des hommes affirment y avoir été confrontés dans leur vie.
* Menée par le Pr François Olivennes, Jacques de Mouzon (Inserm) et Chantal Ramogida (Follow up). 

Auteur

Sa confession, cadenassée au fil des années, étouffée au nom de la loyauté filiale, rugit avec toute la violence du ressort trop longtemps comprimé: «Mon père était un pédophile, un pervers sexuel, un voleur, et j'en passe.» A 14 ans, Elise l'apprend de la bouche de sa mère. Elle jure, à l'époque, de ne rien répéter à ses frères et s?urs. Ni à la police. Dans les années 1970, on ne parle pas encore de pédophilie. Dans ces années-là, on ne parle de rien quand on est un enfant. Jusqu'à la mort du patriarche, cet ex de la marine aux m?urs insoupçonnables, qui aimait attirer les petits garçons dans les parcs, Elise joue les filles modèles: elle s'occupe de son enterrement de A à Z, allant jusqu'à fermer le cercueil elle-même. Le trahir de son vivant, elle n'a pas osé. Echarper son souvenir, c'est pire. Elise veut aujourd'hui protéger son fils de 16 ans, qui adorait son grand-père. «Je lui ai appris tout jeune qu'aucun homme ne devait le toucher, pour quelque raison que ce soit, raconte-t-elle. Il ne garde que des bons souvenirs de son papy, et je refuse de les lui gâcher. Donc, il ne saura rien, ni aujourd'hui ni jamais.» Dire ou ne pas dire? Voilà un débat vertigineux que l'on croyait réglé depuis longtemps, tranché une fois pour toutes par les psys, Françoise Dolto en tête, défenseurs de la levée du secret de famille, exterminateurs des cachotteries radioactives en tout genre - les filiations honteuses, les drames conjugaux, les revers de fortune, bref, toutes ces tares qui éclaboussent l'image idéale qu'un clan cherche à se forger. Cet hymne à la vérité à tout prix a galopé durant les années 1990, appuyé par le violent et magistral Festen, le film culte du Danois Thomas Vinterberg, qui montre la révélation d'un inceste en plein repas de famille, et relayé par le best-seller du psychanalyste Serge Tisseron Les Secrets de famille, mode d'emploi (Ramsay), qui explique à quel point le calfeutrage maladroit des cicatrices familiales s'avère pathogène. Il provoque des angoisses, des échecs à répétition, des troubles de l'apprentissage, à la fois chez son instigateur et chez sa victime. Donc, oui, la vérité était de toute façon moins nocive que le secret, répétait-on. Oui, les enfants avaient le droit de tout savoir. 

On ne cache plus désormais aux petits leur adoption, pas plus que leur naissance par fécondation in vitro (FIV) - c'est l'une des révélations de la passionnante enquête lancée par le Pr François Olivennes, responsable de l'unité de médecine de la reproduction à l'hôpital Cochin, à Paris, dont L'Express livre les conclusions en exclusivité. On n'hésite plus à rendre publics les antécédents psychiatriques de la grand-mère ni les frasques de l'oncle Jean qui a engrossé la fille du notaire. Une overdose de franchise qui affole, ces temps-ci, bon nombre de psys. «La quête des origines et de la vérité est devenue si forte qu'il faut à présent défendre le droit de chacun à l'intimité, plaide la psychanalyste Sophie Marinopoulos, qui a publié Moïse, OEdipe, Superman, de l'abandon à l'adoption [Fayard]. J'ai assisté à des passages à l'acte aberrants, j'ai vu des médecins, et des instituteurs, divulguer eux-mêmes des naissances par FIV, ou des adoptions, parce que les parents ne se sentaient pas capables d'en parler à leurs enfants. Ces révélations forcées, volées, peuvent avoir un effet traumatique!» 

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