La Ritaline n'est pas la drogue douce que l'on croit
La pratique actuelle de la psychiatrie, avec son recours systématique aux médicaments psy, est-elle compatible avec l'idée que nous nous faisons de la santé mentale des enfants et de leur épanouissement ?
Dans un autre registre ayant trait à la philosophie générale qui sous-tend les mises en application de la politique sanitaire et sociale de la psychiatrie, il est surprenant de constater une parenté historique entre le projet ajourné de prévention généralisée (en France) des déviances mentales dans les écoles et l’ancienne ambition eugéniste qui sévissait dans toute l'Europe avant la Seconde Guerre mondiale. On devrait également s'étonner que de telles ambitions, revêtues il est vrai de la toge immaculée des principes humanistes (mais dans les années d'avant-guerre, les plans eugénistes l'étaient aussi) reçoivent toujours et encore la caution de certains cercles scientifiques et étatiques même si ceux-ci se défendent d'attenter à la notion sacrée de la démocratie.
Soumis à une batterie de tests élaborés sur la base des théories anglo-saxonnes de la psychiatrie neuro-biologique , les enfants auraient ainsi été diagnostiqués selon des notions psychiatriques critiquables, probablement au terme d'un bref examen médical, et en vertu de critères subjectifs largement remis en cause par la communauté scientifique internationale. La personnalité dite «pathologique» qui aurait été décelée aurait conduit, à partir de six ans – et sans doute en-dessous de cet âge – à l’administration de psychotropes dont les effets délétères physiques et mentaux ne peuvent être ignorés. En outre, les enfants dont la personnalité aura été considérée «non orthodoxe» selon les canons de la psychiatrie actuelle, risquaient d’être fichés pour le reste de leur vie comme individus potentiellement asociaux ou criminels, dans un «carnet de comportement» annexé à leur dossier médical, un casier judiciaire avant la lettre.
De quoi s’inspire encore aujourd'hui cette politique d’hygiène mentale que des milliers d’observateurs ont dénoncé dans une pétition nationale comme une volonté normalisatrice de la population infantile? De références standardisées publiées dans le DSM – Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux – la «bible» de l’Association américaine de psychiatrie. Les fiches diagnostiques qui s’y trouvent décrivent des centaines de pathologies psychiques dont les bases ne reposent sur aucune preuve médicale mais dont l’existence… est votée à main levée lors de réunions professionnelles dites de «consensus»!
Pour ce courant de la psychiatrie «neuro-biologique», la valeur d’un enfant et son rôle futur dans la société sont déterminés par des processus biochimiques ayant pour siège le cerveau. Cette branche de la psychiatrie n’a jamais fourni la preuve scientifique des théories qu’elle avance ni des «pathologies» mentales qu’elle définit. Malgré cela et la multitude de ses contradictions internes, elle inspire les choix politiques des gouvernants en matière de santé publique et recommande chaudement la prescription de psychotropes dont les effets dangereux sur l'équilibre nerveux, l'évolution physiologique et les organes vitaux (cerveau, système circulatoire, pulmonaire et glandulaire), sont reconnus depuis longtemps par le corps médical. Pourquoi les difficultés d’apprentissage, de lecture et d’étude, qui ont toujours existé, sont-elles désormais classées dans la rubrique des troubles mentaux? N’y a-t-il pas une dérive à l’américaine dans cette volonté de médicaliser dès l’âge de trois ans les comportements des enfants dont la majorité se révèle somme toute parfaitement normale?
- « (b) a souvent du mal à soutenir son attention au travail ou dans les jeux » ;
- « (c) a souvent l'air de ne pas écouter ce qu'on lui dit » ;
- « (f) parle souvent trop »…
J'ai par ailleurs découvert que les remèdes préconisés par la pédopsychiatrie font l’objet de controverses virulentes dans les cercles scientifiques. Pourtant, on continue de recommander chaudement des molécules considérées par de nombreux spécialistes comme extrêmement dangereuses. Leurs effets secondaires peuvent aller jusqu’à entraîner des phénomènes d’accoutumance et provoquer des lésions graves, notamment des accidents cardiaques, ainsi qu’aboutir à des automutilations, des décès, des tentatives de suicide et des passages à l’acte suicidaire. Ces risques, qui sont de notoriété publique, sont passés sous silence dans le cabinet du psychiatre qui reçoit les parents en consultation. Il y a de quoi s'inquiéter sur la nature de l'engrenage dans lequel sont plongés les parents en recherche d’une solution pour leur enfant et qui se trouvent en quelque sorte manipulés par la pression de l'administration scolaire lorsqu'un enfant sort de la «norme».
La communauté psychiatrique donne de multiples assurances sur l’innocuité de la Ritaline en expliquant que les enfants et les adolescents à qui on prescrit ce type de produits destinés à traiter les symptômes de l’hyperactivité «développeront une aversion caractérisée contre les drogues illégales et notamment la cocaïne.» Ce genre de déclaration s’appuie notamment sur les travaux des chercheurs américains de la Harvard Medical School de Boston. Cependant, le professeur Nadine Lambert a présenté en 1998, lors de la conférence de consensus du NIH , les résultats de ses travaux indiquant que la prescription de psychostimulants dans l'enfance prédispose les jeunes à abuser de la cocaïne à l'âge adulte. J'aimerais que l'on m'explique comment et pourquoi la consommation à long terme et sans suivi médical approprié d'une drogue psy aussi puissante que la Ritaline, qui affecte les mêmes systèmes de neuromédiateurs que la cocaïne et les amphétamines, modifiant de façon durable, voire permanente, la biochimie cérébrale, pourrait prémunir contre la consommation ultérieure de drogues ?
Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies s’est penché en octobre 2005 sur l’abus des diagnostics des enfants et de l’administration à leur égard de drogues puissantes destinées à traiter le TDAH. Dans ses conclusions finales, on peut lire : «Le Comité est également préoccupé par les informations indiquant que le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) est mal diagnostiqué et qu’en conséquence on prescrit trop souvent pour le traiter des psychostimulants dont les effets délétères sont pourtant de mieux en mieux connus.»
Le pédiatre Fred Baughman, membre de l'Académie américaine de neurologie, un des plus grands experts internationaux des troubles psychiques infanto-juvéniles, a témoigné en novembre 2001 à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Son rapport intitulé Procès du diagnostic et du traitement du TDAH et des troubles associés et de leurs traitements par des stimulants, est particulièrement poignant : «Les enfants dont je vais vous parler ne sont plus hyperactifs ou ne sont plus inattentifs, ils sont morts…» annonce-t-il. Morts de quoi? Du traitement par la Ritaline que leurs parents étaient contraints, par les services sanitaires des écoles, de faire suivre à leurs enfants, sous prétexte qu’ils étaient « hyperactifs».
Plusieurs études montrent que les enfants sous cure de Ritaline ou de substances apparentées n’améliorent pas leurs résultats scolaires contrairement aux affirmations des pédopsychiatres selon lesquelles ces produits contribuent à prévenir l’échec scolaire et à faciliter leur intégration sociale. En fait, attestent les documents que nous avons étudiés, ces enfants échouent comme les autres dans certaines classes et quittent l’école dans les mêmes proportions que ceux qui ne prennent pas ces médicaments.
Ainsi, en novembre 1998, le texte final de la conférence de consensus sur le TDAH organisée aux États-Unis par les National Institutes of Health (NIH – Institut national de la santé américain) qui représentent la plus grande institution de recherche médicale du monde, déclarait sans équivoque: «Chez les sujets médicamentés, les psychostimulants semblent améliorer la concentration et l’effort tout en minimisant l’impulsivité et augmentant la docilité pour une courte période initiale d’environ 7 à 18 semaines, pour ensuite perdre toute efficacité. [...] Ce qui est préoccupant, ce sont les constats réguliers selon lesquels malgré l’amélioration des symptômes centraux, il y a peu d’amélioration dans les résultats scolaires ou les relations sociales.»
Le professeur Peter Breggin est psychiatre en exercice, directeur de l’International Center for the Study of Psychiatry and Psychology (ICSPP – Centre international pour l’étude de la psychiatrie et de la psychologie). Cet expert mondial a déclaré à ce sujet devant le Congrès américain, en septembre 2000 : « Il est important de comprendre que le diagnostic de TDAH a été développé spécifiquement dans le but de justifier l'utilisation des drogues visant à modifier le comportement des enfants en classe. […] De plus, alors que certains comportements sont inhibés pour une durée de quelques semaines, il n'existe aucune preuve tangible de l'amélioration du comportement scolaire, social ou psychologique. Au contraire, les preuves existent démontrant une altération des fonctions cognitives, un retrait social et l'existence d'un état dépressif.»
• Les causes de l’hyperactivité sont-elles connues avec précision des spécialistes de la psychiatrie infantile?
• Pourquoi l’emploi de la Ritaline et des autres psychostimulants sur les élèves en difficulté n’améliore pas à long terme les performances scolaires, contrairement aux affirmations des psychiatres qui les prescrivent?
• Le méthylphénidate, molécule de la Ritaline, figure dans la liste officielle des substances prohibées du Code mondial antidopage. Est-ce normal d'en prescrire à mon enfant?
• Le Modiodal (ou Modafinil), autre substance en cours d’étude et susceptible d’être utilisée chez les enfants, est un excitant employé par des soldats de la Légion étrangère. Mon enfant doit-il en prendre?
• Existe-t-il un rapport entre les violences et les tueries inexpliquées dans certaines écoles et la prescription de psychotropes aux élèves?
• Pourquoi les origines véritables de la majeure partie des troubles psychiques infantiles sont-elles couramment négligées par la pédopsychiatrie?
• Je souhaite éviter le recours systématique aux drogues psy. Pouvez prescrire à mon enfant un remède naturel et sans danger?
Pour être honnête avec le lecteur, je pense que le quart de ces questions risque de le faire passer pour rien de moins qu'un provocateur. Mais en l'occurrence, au regard des conséquences dramatiques qu'entraîne dans une famille la prescription irresponsable de telles drogues, ne sommes-nous pas en droit de nous demander précisément où est la vraie provocation? Celle qui se résume à tromper les patients en leur omettant les faits ou celle qui consiste à réclamer la justification d'un diagnostic sur des pièces médicales indubitables et à disposer de son droit le plus élémentaire, celui d'exercer la liberté de choix thérapeutique en toute connaissance de cause? Je crois primordiale l'idée selon laquelle il est capital de comprendre avant de décider. Lorsque l'avenir ou la santé d'esprit de ses proches se trouvent entre les mains d'une discipline aussi décriée que la psychiatrie, cette idée ne saurait prendre, à mon avis, aucune autre valeur que celle d'un bon et solide précepte salvateur.