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9 novembre 2011 3 09 /11 /novembre /2011 19:47

 

Publié le 07-09-11    par Le Nouvel Observateur     

L'affaire du Mediator n'est qu'un symptôme. Depuis vingt ans, les géants du médicament ont fait des molécules un produit de consommation comme les autres. Par Anne Crignon et Nathalie Funès

Site de production de medicaments du laboratoire indépendant "Servier" à Gidy-la-Forêt. Dernière étape de conditionnement des médicaments génériques. (LYDIE/SIPA) Site de production de medicaments du laboratoire indépendant "Servier" à Gidy-la-Forêt. Dernière étape de conditionnement des médicaments génériques. (LYDIE/SIPA)

1. Créer des maladies pour vendre

 Tout bien portant est un malade qui s'ignore. Il faut le lui faire savoir : l'industrie pharmaceutique a fait sienne la philosophie du Dr Knock, personnage de la pièce de théâtre écrite en 1923 par Jules Romains. Pour faire tourner le système, on invente des maladies. La situation est impeccablement résumée par le Danois Mikkel Borch-Jacobsen, historien de la psychiatrie devenu sociologue affûté du milieu et qui réalise un documentaire intitulé "Maladies à vendre" : "Dans le temps, on créait des médicaments pour guérir des maladies. De nos jours, on crée des maladies pour vendre les médicaments, et les maladies qui ne peuvent se revendiquer d'un médicament sous brevet disparaissent tout simplement du radar."

On lance une maladie "comme on lancerait une marque de jeans", poursuit-il. En 2007, Pfizer a ainsi lancé la fibromyalgie et le Lyrica, qui cible les femmes mûres aux symptômes assez flous - fatigue générale, douleurs musculaires diffuses. Aucune lésion organique n'étant observable, les rhumatologues la pensent souvent psychosomatique, mais, bon, un petit traitement ne peut faire de mal, et hop ! voici le Lyrica vendu à travers le monde. Le traitement a rapporté 1,8 milliard de dollars pour la seule année 2007 malgré sa probable inutilité et ses effets secondaires - insomnies et obésité.

 Autre cible privilégiée : toute la gamme des états d'âme. Chercheur de l'université Northwestern de Chicago, Christopher Lane a publié en 2009 "Comment la psychiatrie et l'industrie pharmaceutique ont médicalisé nos émotions". Par la magie d'un grand fourre-tout nommé "dépression", on a mis sous antidépresseur le chagrin d'amour, le deuil, la fatigue ou le questionnement sur le sens de la vie.  La timidité et la retenue, la crainte de parler en public : toute manifestation de pudeur est désormais recyclée en "syndrome d'anxiété sociale", et ce sont des millions dans les caisses de ses inventeurs.

"Trouble affectif saisonnier" (le spleen quand les jours raccourcissent), "trouble explosif intermittent" (colère au volant), "trouble dysphorique prémenstruel" (être d'une humeur de chien avant ses règles), "trouble oppositionnel avec provocation" (l'esprit réfractaire) : les Précieuses Ridicules en 2010 travaillent pour l'industrie pharmaceutique.

Quant au traitement du "reflux gastro-oesophagien", qui rapporte 600 millions d'euros par an aux fabricants de médicaments pour le soulager, il n'est que la brûlure d'estomac autrefois sans gravité. Aux Etats-Unis, David Healy psychiatre et professeur à l'Université de Cardiff, qui a payé d'un sérieux ralentissement de carrière sa lucidité, observe avec un détachement désabusé la "maladie du jour" : le "trouble bipolaire", anciennement maniaco-dépression. Après avoir transformé les anxieux en déprimés, la tendance est de faire d'une déprime, même passagère, un trouble bipolaire.

Site de production de médicaments du laboratoire indépendant "Servier" a Gidy-la-Foret (LYDIE/SIPA)

 

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