Le plus difficile reste le sentiment d'impuissance persistant face à la maladie.
A l'annonce du diagnostic, c'est toute une famille qui bascule. Entre impuissance et besoin de comprendre, l'entourage est souvent destabilisé. Mais demeure un rouage essentiel que les équipes incluent dans le parcours de soins.
"Le cancer, c'est un peu comme jeter un caillou dans l'eau". Il y a le premier coup, puis les ondes de choc qui se propagent. L'image est de Virginie Adam, psychologue au centre nancéen Alexis Vautrin. Et elle témoigne bien de l'impact du cancer sur l'entourage du malade. Car c'est tout un équilibre familial que la maladie vient bouleverser.
D'ailleurs, à l'annonce du diagnostic, le patient est souvent accompagné par un proche. Une présence conseillée par les médecins. En effet, pour Yolande Arnault, psychologue clinicienne à l'Institut Paoli-Calmettes de Marseille, "mieux vaut entendre une telle nouvelle à quatre oreilles qu'à deux".
"Il y a des patients qui préfèrent garder le silence, ne pas en parler à leurs proches pour les préserver. Ce qui peut rendre les choses plus compliquées", souligne Géraldine Thevenet, infirmière au département des soins de support du centre Léon Bérard de Lyon. Car, insiste-t-elle, les proches deviennent "des alliés, voire des partenaires" pour l'équipe de soins. Des soignants qui peuvent être déroutés par les réactions très diverses de l'entourage. Certains fuient, d'autres se surinvestissent et certains couples fusionnent même au point de dire "on a une chimio". "A nous de nous adapter", affirme Géraldine Thévenet. Et de les soutenir.
"Ne pas devenir un auxiliaire de vie"
Car "pour bien accompagner, il faut l'être également, soutient Sarah Dauchy, médecin psychiatre à l'Institut Gustave Roussy de Villejuif. Etre un proche, ce n'est pas simple". Il faut s'ajuster aux besoins du patient. Certains veulent parler, d'autres ont simplement envie qu'on les invite au cinéma ou, le plus souvent, d'une simple présence bienveillante. Or, analyse Yolande Arnault, "l'entourage a souvent tendance à vouloir en faire trop". Au contraire, il est important de laisser de l'autonomie au malade, qui n'a justement pas envie d'être considéré comme tel à chaque instant. De même que le proche doit rester un proche, et "ne pas devenir un auxiliaire de vie", insiste Yolande Arnault.
Le plus important pour les proches? "Leur montrer qu'on est là aussi pour eux, pour qu'ils se sentent pris en compte. Ils peuvent ressentir beaucoup de colère s'ils se sentent exclus", explique Géraldine Thévenet. Le maître mot de l'infirmière est donc la disponibilité. "Même cinq minutes peuvent suffire."
Des ateliers pour libérer la parole
Mais le plus difficile est le sentiment d'impuissance persistant face à la maladie. "Ils veulent aider, mais ne savent pas comment faire", développe Virginie Adam. Malheureusement, poursuit-elle, personne n'a de "recette miracle" à leur donner. Il faut donc, simplement, les écouter. "Certains culpabilisent de ne pas avoir envie de venir voir leur femme malade à l'hôpital. Je leur dis simplement qu'il est normal de ne pas vouloir voir quelqu'un qu'on aime souffrir." Yolande Arnault, elle, leur conseille simplement de "réapprendre à se faire confiance". Leur conjoint, leur parent ou leur ami ne devient pas un étranger avec le cancer.
Les groupes de parole peuvent également permettre d'appréhender la maladie et de partager les petites victoires comme les difficultés du quotidien. A Nancy, un atelier spécial a été créé pour les enfants de patients atteints du cancer. Virginie Adam anime ces "mercredire". Trois mercredis d'affilés, enfants et parents sont invités à venir discuter de la maladie. Poupées, Playmobils, dessins, pâte à modeler... Chaque bambin peut s'emparer du support qu'il préfère et retranscrire ce qu'il ressent. "Un groupe pour les enfants, mais aussi aussi pour les proches", affirme Virginie Adam. En témoigne ce père venu lui expliquer l'importance de pouvoir avoir une équipe, en face, pour écouter sa souffrance.
Un dernier conseil, pour l'entourage: réussir à prendre du temps pour soi. "C'est essentiel, même s'ils culpabilisent souvent", confie Yolande Arnault. Si le malade a besoin de reprendre des forces entre chaque chimiothérapie, le proche doit lui aussi pouvoir se ressourcer. Car la route du cancer est longue.