Malheureusement, ces prescriptions sur le long terme ont des effets délétères sur la santé, et ce pour plusieurs raisons.
1. La dépendance physique :
En premier lieu, les benzodiazépines causent une dépendance physique extrêmement forte. La dépendance apparaît le plus souvent après quelques mois, mais certaines personnes peuvent développer une dépendance après une à deux semaines d'utilisation. Pour certains, le sevrage se fera sans difficultés particulières. Pour d'autres en revanche, le sevrage sera une véritable épreuve, d'autant plus qu'il sera le plus souvent mal conduit (le corps médical français n'est pas du tout formé au sevrage et propose des réductions de doses trop fortes et/ou trop fréquentes, ainsi que la substitution ou l'ajout de psychotropes qui sont sans effet sur le syndrome de sevrage et peuvent même l'aggraver, ce qui explique d'une part les souffrances endurées par les patients en sevrage, et les taux de rechute très importants). Le syndrome de sevrage Il est généralement admis que 80% des personnes sous traitement aux benzodiazépines depuis plus d'un an souffrent d'un syndrome de sevrage au moment de l'arrêt. Ce syndrome de sevrage est de durée et d'intensité variable, 10 à 15% des usagers de benzodiazépines étant exposés à un syndrome prolongé de sevrage, qui peut durer des mois, voire des années après le sevrage complet. Le syndrome prolongé de sevrage aux benzodiazépines
Les effets secondaires psychologiques : le traitement aux benzodiazépines, source de diagnostics erronés :
En second lieu, les effets secondaires des benzodiazépines sur le psychisme sont très graves, d'autant plus graves qu'ils sont toujours mal interprétés par le médecin prescripteur, ce qui conduit à l'introduction de nouveaux psychotropes, et/ou au maintien du traitement qui a pourtant provoqué cette dégradation de l'état de santé du patient.
Une des principales conséquences de la prise chronique de benzodiazépines est la dépression. En effet, les benzodiazépines et les somnifères zolpidem et zopiclone sont des dépresseurs du système nerveux central. Ils provoquent fréquemment une dépression chez l'usager chronique, dépression qui n'est pas identifiée comme iatrogène par le patient ou son médecin, et entraîne bien souvent la prescription d'antidépresseurs (alors que la solution est au contraire un sevrage lent des benzodiazépines).
Un autre effet du traitement chronique aux benzodiazépines ou aux somnifères est paradoxalement l'aggravation de l'anxiété. Ceci est une des autres clefs d'explication du cercle vicieux du traitement aux benzodiazépines - qui perpétue l'anxiété des patients, contre laquelle seules les benzodiazépines sont efficaces, puisqu'elles seules arrivent à compenser le manque qu'elles ont induit et qui est à tort interprétée comme une anxiété naturelle.
De nombreux patients sont convaincus qu'ils doivent continuer à prendre leur traitement aux benzodiazépines car ils déclarent souffrir d'anxiété alors même qu'ils sont traités. Les benzodiazépines leur ont généralement été prescrites pour contrôler temporairement une anxiété, parfois mineure - mais au fil du temps et du traitement, cette anxiété peut se muer en trouble anxieux généralisé. A aucun moment, ni le patient, ni le médecin, ne songent à incriminer la benzodiazépine. C'est pourtant elle qui, la plupart du temps, est la cause de cette anxiété aggravée - mais son effet aliénant empêche le patient de s'en rendre compte, et une mauvaise connaissance du fonctionnement de la benzodiazépine empêche le médecin de réaliser l'aberration de sa prescription.
Les mécanismes par lesquels la benzodiazépine peut être amenée à causer les mêmes symptômes qu'elle est censée combattre (anxiété, insomnie, trouble panique, tension musculaire) sont de diverse nature.
En premier lieu, il faut citer les cas de réaction paradoxale, qui, s'ils sont rares, n'en demeurent pas moins très préoccupants, en particulier dans la mesure où les médecins ne l'identifient qu'exceptionnellement. Dans ce cas de figure, le patient ressent, dès les premières prises, une aggravation de l'anxiété, de l'insomnie, de l'agitation, et peut même être conduit à des accès de violence sans rapport avec sa personnalité. Les conséquences d'une réaction paradoxale peuvent être très graves, à la fois pour le patient et pour son entourage, surtout si le traitement est maintenu (le médecin pensant à nouveau que c'est l'état du patient qui est cause de ces troubles). Les réactions paradoxales
Mais le plus souvent, l'aggravation de l'anxiété ou de l'insomnie sous traitement aux benzodiazépines s'explique tout simplement par la courte durée d'action du produit prescrit. En effet, les benzodiazépines les plus prescrites en France sont des benzodiazépines plus modernes et plus puissantes comme le Lexomil, le Xanax et le Témesta. Leur prescription chronique pose cependant un problème de taille, dans la mesure où il s'agit de benzodiazépines à demi-vie courte (2). En effet, la prise de benzodiazépines à demi-vie courte expose le patient au risque de voir son anxiété accrue, dans la mesure où il peut rapidement souffrir de manque entre les doses. Ce manque se manifestant souvent par des crises d'angoisse, l'état général du patient s'en trouvera détérioré. A nouveau, la réponse à cette anxiété accrue (par la benzodiazépine elle-même) sera la prise d'une benzodiazépine (soit une benzodiazépine supplémentaire, soit l'avancée de l'horaire de prise), et l'interprétation qui en sera faite par le patient (sous l'effet aliénant du psychotrope) comme le médecin à nouveau erronée et poursuivra le cercle vicieux du traitement aux benzodiazépines.
Peu nombreux seront les médecins qui songeront à ce problème de manque entre les doses, alors qu'il pourrait être utilement résolu par la substitution d'une benzodiazépine à demi-vie longue, pour apaiser le patient. De façon générale, les médecins ont une formation pharmacologique très limitée, et le fonctionnement des psychotropes leur échappe en grande partie. Leur réflexe consiste à attribuer presque systématiquement l'aggravation de l'état du patient à sa personnalité propre, à sa fragilité psychologique, et à écarter d'emblée et définitivement toute responsabilité du médicament qu'ils ont prescrit - ce qui peut se comprendre, tant il est difficile d'admettre qu'un médicament peut rendre malade, et par dessus tout un médicament qu'on a prescrit soi-même.
Le même problème se pose pour les somnifères comme l'Imovane et le Stilnox. Ils agissent sur les mêmes récepteurs que les benzodiazépines, provoquent les mêmes effets secondaires et ont le même potentiel de dépendance. Dans la mesure où ils ont une demi-vie très courte, ils provoquent souvent des réveils précoces. Ils ne sont plus efficaces après quelques jours, et sont, en raison de leur demi-vie courte notamment, contre-productifs s'ils sont pris sur le long terme.
La tolérance est l'autre facteur principal de l'aggravation de l'anxiété ou de l'insomnie sous benzodiazépines. La tolérance est le mécanisme suivant lequel le cerveau s'habitue à l'effet du produit, ce qui conduit le patient à augmenter les doses pour obtenir l'effet initial. Contrairement à une idée reçue, et largement répandue par les professionnels de santé qui préfèrent incriminer le patient plutôt que le produit qu'ils prescrivent si largement, le patient n'est pas coupable de ces augmentations - il n'est pas dans une conduite toxicomaniaque mais se retrouve contraint à augmenter les doses pour fonctionner normalement.
La tolérance à l'effet hypnotique (qui induit le sommeil) des benzodiazépines intervient en quelques semaines, de même que la tolérance aux somnifères, ce qui explique que de nombreuses personnes finissent par prendre une boîte entière de Stilnox ou d'Imovane pour trouver le sommeil. La tolérance à l'effet anxiolytique (qui provoque la relaxation) prend plusieurs mois. Il n'existe pas de tolérance à l'effet amnésique des benzodiazépines, ce qui explique que les détériorations cognitives causées par les benzodiazépines, loin de s'atténuer avec le temps, persistent et s'aggravent lorsque le traitement est poursuivi.
Lorsqu'une personne atteint un stade de tolérance au produit, elle se retrouve non seulement contrainte à augmenter les doses - mais bien souvent c'est en pure perte : la benzodiazépine ou le somnifère ont cessé d'être efficaces et le manque ne tarde pas à apparaître. Il n'est donc pas rare qu'un patient souffre de symptômes de sevrage alors même qu'il est sous traitement en raison de l'apparition de la tolérance - mais à nouveau, les médecins interprètent cette anxiété ou cette insomnie comme endogène et nécessitant le maintien du traitement, ou l'introduction de nouveaux psychotropes - alors que le sevrage est la seule solution viable à long terme.
3. Les autres effets secondaires des benzodiazépines :
On l'a vu, un autre effet de la prescription de benzodiazépines à long terme est la détérioration cognitive. Celle-ci peut aller d'une simple perte de mémoire à une confusion ou d'autres complications plus importantes. Plus important, on ne peut écarter l'hypothèse selon laquelle l'usage chronique des benzodiazépines peut être impliqué dans le développement de certaines démences séniles (3).