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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 18:01

Une nouvelle version polémique du DSM, qui classe et répertorie les maladies mentales, est publiée pour la première fois depuis 1994. De quelles affections la mode souffre-t-elle ?

Atlantico chic
Publié le 24 mai 2013
 
La psychose de la Milanaise est indiscutablement la maladie mentale actuellement la plus répandue parmi la population des hommes sarto-concernés.

La psychose de la Milanaise est indiscutablement la maladie mentale actuellement la plus répandue parmi la population des hommes sarto-concernés. Crédit Cesare Attolini

 

les polémiques à propos de la publication le 18 mai dernier du DSM-5 – Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, autrement dit la « Bible » pour le diagnostic des maladies dites mentales – font rage dans de nombreux média, tant la nouvelle mouture de l’ouvrage, sous l’influence évidente des habituels lobbys pharmaceutiques sur-puissants, interpelle et choque de très nombreux observateurs dans les communautés médicales et scientifiques.

Ne faisant pas partie de ces dernières, je ne m’aventurerai donc évidement pas sur le terrain médical, même si, entre nous, il n’est nul besoin d’être médecin pour comprendre, par exemple, qu’une profonde tristesse liée à un deuil est un phénomène pour le moins normal (et malheureusement inévitable) dans la vie d’un être humain.

Pourtant, depuis très précisément le 18 mai 2013 et l’article consacré à la dépression dans le DSM-5 , il semblerait qu’être triste plus de 15 jours après le décès d’un être cher soit désormais le symptôme d’un épisode dépressif majeur nécessitant, bien sûr, l’ingestion de psychotropes à heures fixes. Dans le DSM-4, il était question de deux mois de deuil avant de prescrire des médicaments, ce qui était déjà extrêmement discutable  (le simple fait de vouloir à tout prix « normaliser » et quantifier une douleur mentale en spéculant sur des réactions chimiques largement supposées étant par essence hautement discutable, et pas que dans une perspective médicale).

Aujourd’hui quelques psychiatres ont donc décidé de manière arbitraire pour l’humanité entière de soustraire 6 semaines à ce diagnostic pour le moins déjà approximatif et ainsi ouvrir la boite de Pandore des nouvelles générations de psychotropes, hyper ciblés, hyper marketés, extrêmement couteux pour nos régimes sociaux et, malheureusement, toujours aussi addictifs et dangereux.

Ce qui est cependant réconfortant dans cette histoire, c’est la levée de boucliers que la liste des nouvelles « maladies mentales » génère auprès des médecins eux-mêmes et notamment les incroyables hyperphagie (maladie mentale consistant à avoir au moins une crise de gourmandise par semaine) et trouble de déficit de l’attention (dont la limite de prescription est désormais fixée à trois colères par semaine pour un enfant). En bref et sans aller plus loin dans les 350 maladies répertoriées (contre 60 il n’y a encore que quelques années), votre serviteur passe déjà à la trappe avec ces deux premières maladies. Car, comme la grande majorité d’entre vous, mes moments de gourmandises (le fromage en ce qui me concerne) ainsi que ceux de colères (parfois très salutaires) sont sans doute beaucoup bien plus nombreux que les « limites » indiquées. Et c’est heureux !

Alors même si nous faisons tous, plus que jamais, confiance à notre médecin de famille (lorsque l’on a encore la chance d’en avoir un) pour substituer le plus souvent une bonne tisane et une bonne discussion réconfortante à ces médicaments dangereux et sur-prescrits, cette dérive médicamenteuse interpelle aujourd’hui bon nombre de penseurs et de philosophes, spécifiquement en dehors de la communauté scientifique et médicale. Ce qui est plutôt rassurant.

 

Et pour en revenir à nos moutons (!) et à des considérations plus habituelles dans ces colonnes, il est donc de mon devoir d’apporter de toute urgence la contribution de PG à ce débat au nom de tous les amoureux (parfois obsessionnels) des beaux vêtements et de l’élégance classique. Car connaissant certains d’entre vous et à en croire le DSM 5, nous serions désormais quasiment tous de parfaits malades mentaux qu’il est urgent de prendre en charge….

Mais la grande différence entre notre communauté de passionnés d’élégance discrète et bon nombre d’autres, c’est que nous sommes tous parfaitement conscients, si ce n’est contents…d’être tous atteints d’une affection légère à sévère liée à l’obsession sartoriale, et que cette affection semble de nos jours prendre des formes de pandémie dans nos sociétés occidentales, minées, lessivées et asséchées par le « prêt-à-porter-chausser-manger-penser » ambiant.

Ainsi, et avant que certains d’entre nous ne se retrouvent, à tort, diagnostiqués comme porteurs d’une névrose obsessionnelle du glaçage ou, pire, d’une psychose du pliage de mouchoir, dont la forme sévère peut d’ailleurs s’apparenter à la forme aigüe de l’épisode traumatisant de la goutte de cravate mal centrée, nous avons donc décidé d’inaugurer notre propre classification des dérangements mentaux pouvant être occasionnés par un excès d’excellence et d’élégance : Le Diagnostic and Statistical Manual of Sartorial Disorders.

Et pour prolonger la tradition de notre bande de joyeux drilles psychiatres, littéralement payés pour inventer des maladies, nous faisons aujourd’hui nous aussi appel à tous nos lecteurs pour tenter de répertorier les maladies mentales (et les remèdes) liées à notre inclinaison à bien nous habiller, avant que les psychiatres américains ne le fassent pour nous.

Et pour inaugurer notre DSM, 1er du nom, nous avons le plaisir de partager avec vous les trois affections les plus courantes dont notre communauté est affectée.

CAS 1 : LE SYNDROME DU GLAÇAGE COMPULSIF OU SYNDROME DIT « DU MIROIR PERPETUEL » 

 © Berluti / Hom N'Guyen

Cette affection, dont les spécialistes contemporains s’appellent Paul Bolten, Hom N’Guyen ou Justin Fitzpatrick, et les fournisseurs Corthay, Altan ou Bestetti, se manifeste par une envie incontrôlable de faire briller le bout de ses souliers plus d’une fois par semaine. Ce comportement tout à fait excessif dans une société tenant à protéger à tout prix sa médiocrité, serait lié à la production massive de Dopamine générée par l’action conjointe de l’odeur des produits d’entretien SAPHIR et du mouvement circulaire salvateur de l’index et du majeur, prisonniers d’un morceau d’étoffe souillé. La forme sévère, le miroir perpétuel, ne concerne que quelques cas dans le monde et doit faire l’objet d’une prise en charge immédiate : elle consiste à se déchausser pour refaire son noeud de cravate en se regardant dans le bout miroir de ses souliers. Une forme larvée d’hyper-narcissisme…

CAS 2 : LE TROUBLE OBSESSIONNEL DE L’EPAULE TOMBANTE OU SYNDROME NAPOLITAIN AIGU

© Cesare Attolini

Ce trouble, très répandu en Italie, consiste à choisir chroniquement des costumes à épaule tombante, dénotant clairement une tendance du sujet au renoncement et à l’acceptation de sa condition.  Peut se régler, dans ses formes légères (à partir de super 180s), avec une petite administration de padding en unidose. Attention à ne pas la confondre avec le trouble de l’épaule Romaine qui, dans sa forme la plus aigüe, produit les effets inverses : Mégalomanie ou Syndrome dit du « Power Suit ».

CAS 3 : LA PSYCHOSE DE LA MILANAISE (la boutonnière pas l’escalope), OU TROUBLE OBSESSIONNEL DU POT DE FLEUR

© DR

La psychose de la Milanaise est indiscutablement la maladie mentale actuellement la plus répandue parmi la population des hommes sarto-concernés et se manifeste de trois façons principales :

- Trouble obsessionnel du comportement consistant à déboutonner ses boutons de manches de costumes pour se laver les mains. Vulgaire et suranné (ce qui est encore pire).

- TOC consistant à regarder compulsivement et fixement autrui dans le revers plutôt que dans les yeux (au moins les premières secondes, qui correspondent à la forme aigüe). Le remède consiste à ne présenter au sujet, pendant 6 mois, que des boutonnières industrielles simulées afin de générer chez lui l’acceptation de l’inutilité de ces dernières et de briser la boucle de sa compulsion.

- Et, dans sa forme la plus sévère, l’impulsion, plus d’un jour par mois, à se prendre pour un pot de fleur et à arborer, dans une réminiscence de culture barbare et arriérée, un élément végétal à la boutonnière. Il s ‘agit à l’évidence d’une forme complexe de confusion identitaire, rendue encore plus sournoise par l’harmonie apparente du monde animal et végétal… A prendre très au sérieux.

Nous en appelons donc désormais à votre sens des responsabilités et à votre dévouement pour nous aider à répertorier d’autres affections sartoriales en vue de la publication de notre DMS-1 qui, n’en doutons pas, saura être aussi créatif (et ridicule) que son modèle pseudo-médical, représentation ultime du « prêt-à-penser » ambiant.

Après tout, plus on est de fous, plus on rigole non ?

Cheers, Dr HUGO

 

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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 12:27
NANTERRE (AFP) - 23.05.2013 18:16 - Par Sophie DEVILLE

 

"Un crime presque parfait" : la pneumologue Irène Frachon, qui a mis au jour le scandale du Mediator, n'a pas mâché ses mots jeudi devant les juges de Nanterre pour expliquer comment ce médicament, accusé d'avoir causé des centaines de morts, a pu être commercialisé pendant près de 35 ans.

voir le zoom : La pneumologue Irène Frachon à l'entrée du tribunal correctionnel de Nanterre, le 21 mai 2013La pneumologue Irène Frachon à l'entrée du tribunal correctionnel de Nanterre, le 21 mai 2013
afp.com - Lionel Bonaventure
voir le zoom : Jacques Servier (C) devant le tribunal correctionnel de Nanterre, le 21 mai 2013Jacques Servier (C) devant le tribunal correctionnel de Nanterre, le 21 mai 2013
afp.com - Lionel Bonaventure
voir le zoom : Hervé Témime avocat de Jacques Servier au tribunal de Nanterre, le 21 mai 2013Hervé Témime avocat de Jacques Servier au tribunal de Nanterre, le 21 mai 2013
afp.com - Lionel Bonaventure

"Un crime presque parfait" : la pneumologue Irène Frachon, qui a mis au jour le scandale du Mediator, n'a pas mâché ses mots jeudi devant les juges de Nanterre pour expliquer comment ce médicament, accusé d'avoir causé des centaines de morts, a pu être commercialisé pendant près de 35 ans.

Le dossier du Mediator, c'est "un crime presque parfait. Honnêtement, c'était bien fait et cela a marché pendant des années", a assuré, droite à la barre, cette femme de 50 ans à l'élégance classique.

Le principal prévenu, Jacques Servier, 91 ans, est de nouveau absent de l'audience pour raisons de santé. Il est jugé avec quatre autres prévenus de chez Servier et Biopharma, l'une des filiales des laboratoires, pour "tromperie aggravée".

"C'est la première fois depuis le début de cette affaire que je suis entendue sur le fond. C'est un moment historique pour toutes les victimes", confiait la pneumologue à l'AFP juste avant d'être entendue par le tribunal.

Le Mediator, pour Irène Frachon, est un combat de longue haleine. "J'ai passé des heures devant les documents des laboratoires Servier et devant ceux de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé", explique-t-elle aux juges.

Tout commence en 2007 lorsque cette spécialiste des hypertensions artérielles pulmonaires voit arriver dans son bureau à Brest une patiente obèse atteinte de cette pathologie rare et actuellement incurable. "J'ai appris que cette malade avait été exposée au Mediator", raconte Mme Frachon et cela "m'a mis la puce à l'oreille". Plus tard, des collègues l'avertiront de cas de valvulopathies (défaillances des valves cardiaques) sur des personnes qui ont pris ce même médicament.

"Manquements"

Après un exposé minutieux de ses recherches, le docteur parle de l'attitude des laboratoires Servier, qui ont commercialisé le Mediator, un antidiabétique largement détourné comme coupe-faim. "Il y a eu à l'évidence de grands manquements, une tromperie parfaitement organisée" de la part du groupe, estime-t-elle.

Le Mediator pourrait causer de 1.300 à 1.800 morts en France par valvulopathie, selon des experts.

Sollicitée par un conseil des parties civiles, Mme Frachon a aussi évoqué l'ironie actuelle de la situation, déplorant que des victimes présumées du Mediator soient aujourd'hui soignées par des médicaments commercialisés par le même groupe pharmaceutique.

"Je constate que fréquemment des malades, souffrant de pathologies cardiaques liées à la prise de Mediator, sont soignés avec des médicaments des laboratoires Servier comme le Coversyl. On marche vraiment sur la tête", a insisté Mme Frachon auprès de l'AFP, après s'être exprimée à la barre.

Dans la matinée, le tribunal a entendu trois experts de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), à l'origine, en janvier 2011, d'un rapport accablant pour Servier.

Aquilino Morelle, l'un des auteurs du rapport et actuellement proche conseiller de François Hollande, a notamment été interrogé sur la chaîne d'événements ayant conduit à la commercialisation du médicament de 1976 a 2009. Pour lui, il y a eu "de la bêtise, de la paresse, de l'ignorance, de la veulerie et certainement bien autre chose".

"Dès l'origine (la fin des années 60) Servier sait que le Benfluorex (le Mediator) a une parenté importante avec la norfenfluramine", molécule très proche de l'amphétamine et déjà réputée très dangereuse, assure-t-il. Mais à partir du moment où le Mediator est mis sur le marché, le groupe va constamment minimiser "le degré de parenté du médicament avec cette molécule", ajoute-t-il.

Les conseils de M. Servier ont à nouveau insisté pour que le tribunal demande un complément d'information, notamment sur le rôle des autorités sanitaires dans ce dossier. L'agence du médicament (ANSM) a en effet également été mise en examen en mars, soupçonnée d'avoir négligé les alertes sur la dangerosité du médicament de 1995 à 2009.

"Ce procès ressemble à une embuscade tendue aux uns et aux autres", a affirmé Me Hervé Temime, qui n'a de cesse de demander le renvoi du procès de Nanterre tant que l'instruction menée en parallèle à Paris n'est pas bouclée.

© 2013 AFP

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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 12:25
Aquilino Morelle est venu témoigner, jeudi 23 mai, au procès du Médiator à Nanterre (Hauts-de-Seine).

Aquilino Morelle est venu témoigner, jeudi 23 mai, au procès du Médiator à Nanterre (Hauts-de-Seine). LUDOVIC-POOL/SIPA

JUSTICE – Aquilino Morelle, plume d’Hollande et docteur en médecine, est venu témoigner ce jeudi matin devant le tribunal de Nanterre…

On le connaît avant tout comme la plume de François Hollande. Mais c’est oublier un peu vite qu’Aquilino Morelle est d’abord «docteur en médecine» comme il s’est présenté, ce jeudi matin, à la barre du tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine) où se juge depuis mardi le premier procès pénal du Médiator pour «tromperie aggravée». C’est d’ailleurs à ce titre qu’il a été chargé en novembre 2010 de rédiger le rapport de l’Inspection générale des affaires sanitaires (IGAS) en pleine «déflagration sanitaire». Fort de ses 261 pages, ce rapport est aujourd’hui la principale pièce de l’accusation qui entend démontrer que Jacques Servier et son laboratoire ont «trompé» les patients sur les propriétés et les effets secondaires du Médiator.

«OREX», la syllabe qui dit tout

Accompagné du docteur Anne-Carole Bensadon et d’Etienne Marie – les co-rédacteurs du fameux rapport – Aquilino Morelle est donc venu détailler son travail pendant près de trois heures. Il a ainsi parlé de «syndrome métabolique», de «fenfluramine»,  de «norfenfluramine» de «principe actif», explicitant à l’aide d’un schéma comment les molécules s’agglomèrent et agissent dans le corps humain. Mais c’est sans doute le mot «benfluorex» qui a le plus retenu l’attention de la présidente de le 15è chambre du tribunal. Nom savant du Médiator, le benfluorex ne s’appelle pas comme cela par hasard. «C’est l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui choisit le nom des produits. Il faut que le nom soit compris de toute la communauté médicale, de la Colombie à l’Europe. C’est ainsi qu’ils ont choisi le nom de benfluorex. Car le fin du mot – OREX – fait référence à son caractère anorexigène», détaille ainsi Aquilino Morelle, en insistant sur le OREX d’anorexigène.

Le problème, c’est que les laboratoires Servier ont toujours présenté leur médicament comme un anti-diabétique et non comme un anorexigène. Tout en démontrant que les experts de Servier connaissaient parfaitement les propriétés de leur produit, Aquilino Morelle enfonce le clou à la barre. «Dès 1974, les laboratoires ont fait pression sur l’OMS pour que le nom de benfluorex soit changé. Ils ne voulaient pas que cela fasse référence à un coupe-faim mais à un anti-diabétique.»

«Ils ont bien du voir fondre les rats»

Le benfluorex n’est pas dangereux en soit. «Seul il ne sert à rien, poursuit Aquilino Morelle. Sauf qu’il est un précurseur qui sert à mettre en route la norfenfluramine…» C’est cette dernière molécule qui est accusée de tous les maux des malades du Médiator. En fait, c’est elle qui entraîne des problèmes sur les valves cardiaques (valvulopathies) ainsi que de l’hypertension artérielle pulmonaire. «Les experts de Servier pouvait-ils connaître ces éléments dès le départ ?», interroge alors la présidente Isabelle Prévost-Desprez. «Il nous a fallu moins de six semaines pour nous en rendre compte. Des experts plus calés que nous ne l’auraient pas vu en 35 ans… s’interroge Morelle à la barre. Pourtant les gens qui l’ont étudié ont bien du voir fondre les rats sur lesquels ils testaient le produit…» Un ange passe. La présidente reprend. «Pourquoi les médecins n’en ont-ils pas informé les patients ?» «Par bêtise, paresse, veulerie, ignorance ou incompétence», dénonce le docteur.

Le tribunal a encore jusqu’au 14 juin pour se forger une opinion sur l’épais dossier du Médiator. Mais l'audition du premier témoin leur a déjà fourni quelques pistes. Ce jeudi après-midi, c’est Irène Frachon, la pneumologue de Brest qui est attendu à la barre. Après avoir été la première à dénoncer les effets du Médiator, elle ne devrait pas être plus tendre à l’égard de Servier que les experts de l’IGAS ne l’ont été.

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23 mai 2013 4 23 /05 /mai /2013 12:41

Alors que s'ouvre le procès du Mediator, la ministre de la Santé Marisol Touraine affirme que le décret publié mardi limite les conflits d’intérêt. Mais ce dispositif est vivement critiqué par Xavier Bertrand, qui est pourtant à l'origine de la loi de 2001 pour la sécurité du médicament, que ce décret est censé appliquer. Comment expliquer ce paradoxe ?


 
Le Conseil de l'ordre est chargé de recueillir toutes les déclarations concernant toutes rémunérations des médecins de la part des laboratoires.

Le Conseil de l'ordre est chargé de recueillir toutes les déclarations concernant toutes rémunérations des médecins de la part des laboratoires. Crédit Flickr/Hades2k

Atlantico : Officiellement, Marisol Touraine affirme que le décret publié mardi limite les conflits d’intérêt et entérine le dispositif de sécurité du médicament. Mais ce dispositif est vivement critiqué par Xavier Bertrand, qui est pourtant l'ancien ministre de la Santé à l'origine de la loi de 2001 pour la sécurité du médicament, que ce décret est censé appliquer. Comment expliquer ce paradoxe ?

 

Gérard Delépine : Le problème est que ce décret d'application est totalement contraire à l'esprit de la loi car il réorganise l'opacité sur les liens d'intérêt.

 

Sous le mandat de Nicolas Sarkozy, le précédent gouvernent a commandé à la Cour des comptes un rapport sur la définition du conflit d’intérêt. On entend souvent dans les médias que la définition du conflit d’intérêt n'est pas claire et qu'il est donc difficile de lutter et de légiférer. C'est complètement faux, plusieurs définitions ont été données, l'une par l'Europe, et deux autres par les légistes français. L'étude a débouché sur des recommandations afin de mettre fin aux conflits d’intérêt, puis sur une loi votée par le Parlement en décembre 2011, visant à renforcer la sécurité du médicament et s'inspirant du précédant américain.

 

En effet, le problème des conflits d’intérêt n'est pas que français, il est mondial. Aux États-Unis, l'affaire du Viox a causé 28 000 morts et 144 000 victimes selon un rapport d’enquête du Sénat américain. Ce scandale a provoqué une prise de conscience. Barack Obama a décrété que les experts devaient désormais être indépendants, et que tous leurs liens d’intérêt devaient être déclarés. Il a donc fait passer une loi appelée le Sunshine Act. Tous les liens d’intérêt des experts doivent désormais être déclarés, et en cas de non respect de la loi, les sanctions sont lourdes, puisque les experts risquent la prison s'ils ne déclarent pas. Toutes les déclarations sont publiées sur Internet sur un site public du ministère de la santé, et tous les citoyens peuvent y avoir accès.

 

Nicolas Sarkozy s'est est inspiré, et a créé une loi similaire, qui tire les conclusions du rapport de la Cour des comptes. Elle s'apparente au Sunshine Act excepté le fait que le parjure est bien moins gravement puni par la loi française : ceux qui ne déclarent pas s'exposent tout de même à une grosse amende.

 

Mais tout se gâte au moment ou notre ministre de la Santé actuelle prend les décrets d'application. Elle avait commencé a les rédiger après un séjour de quelques jours avec les laboratoires réunis en « brain trust », avec le syndicat pharmaceutique LEEM (Les entreprises du médicament).

 

Les lobbies pharmaceutiques ont réuni le personnel du ministère et la ministre pendant trois jours. Dans ce genre de séjours, on leurs montre de beaux diaporamas, on leur dit qu'ils sont très intelligents, on leur fait des cadeaux. Ils ont alors préparé des décrets d'application contraires à l'esprit de la loi, réorganisant l'opacité complète. Ils ont pensé à ne plus déclarer en dessous de 60 euros.

 

Il n'y aura pas d'indexation dans un moteur de recherche permettant d’accéder facilement aux informations sur les liens entre les experts et l'industrie. Il faut donc chercher les informations expert par expert, laboratoire par laboratoire.


Deux autres éléments retirent au texte toute efficacité réelle sur la prévention des futures crises sanitaires :

 

1°) il ne s’applique qu’aux membres des professions médicales alors que le rapport remis au président Sarkozy  voulait que les mesures de prévention s’applique aussi aux autres membres des ministères et des agences qui pourront toujours impunément et dans le secret vendre leurs « compréhension » aux industriels

 

2°)Les activités commerciales ou de service entre médecins et laboratoires ne sont pas concernées afin de ne pas « nuire à la bonne marche des affaires » ; or c’est précisément ces activités de conseil ou  de recherche qui sont les plus lucratives (plusieurs centaines de milliers d’euros) et qui constituent l’argument sonnant des firmes pour faire prendre par les experts des agences et le ministère les décisions qui les intéressent…

 

 

Marisol Touraine affirme que les informations ne sont pas indexées dans un moteur de recherche afin de respecter l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), qui estime que cela fait partie des garanties individuelles à respecter. Le respect de la vie privée doit-il passer avant la garantie d'indépendance des experts ?

 

Soyons sérieux. Les experts, comme les hommes politiques, remplissent une mission d'intérêt général. A ce titre, leurs éventuels conflits d’intérêt ne peuvent être dissimulés sous prétexte de respect de la vie privée. Si ce qu'ils touchent dans le prouvé abouti à des décisions publiques, c'est très grave.

 

Le Conseil de l'ordre des médecins s'en est ému il y a six mois. Depuis la dernière loi anticorruption de 1993, le Conseil de l'ordre est chargé de recueillir toutes les déclarations concernant toutes rémunérations des médecins de la part des laboratoires. Le Conseil doit en principe étudier tous les conflits d’intérêt, examiner les contrats entre toute entreprise qui fourni une prestation payée par la sécurité sociale et un médecin. Le Conseil a publié un communiqué expliquant qu'il ne pouvait plus faire son travail puisque le gouvernement réorganisait l'opacité, en complexifiant l'accès aux données sur les liens d’intérêt de chacun.

 

Il y a une quinzaine de jours, l'ancien ministre de la santé Xavier Bertrand s'est ému dans une lettre ouverte, regrettant que Marisol Touraine soit incapable de se défendre contre les laboratoires pharmaceutiques. Nicole Delepine, a écrit une lettre ouverte à la ministre de la Santé et consacre un paragraphe aux conflits d’intérêt, et aux décrets qui empêchent la transparence.

Comment expliquer cette difficulté de Marisol Touraine à véritablement faire appliquer la transparence contre les réticences des laboratoires ?

 

Deux interprétations sont possibles. Soit il s'agit d'incompétence, soit il s'agit de corruption. Les laboratoires pharmaceutiques disposent d'une puissance financière colossale. De plus les entreprises de médicaments dépendent très directement de l’État puisque les médicaments sont payés par la sécurité sociale. Les fonds sont donc presque illimités.

 

A l’Assemblée, une quarantaine de députés participent à deux « clubs de réflexion » où ils sont sensibilisés aux problématiques de cette pauvre industrie pharmaceutique qui a du mal à vivre...

 

Mais le but de la lettre ouverte de Nicole Delepine est que Marisol Touraine ne puisse pas dire qu'elle ne savait pas. C'est un message d'alerte lancé, afin de prévenir : les experts corrompus prennent des décisions qui nuisent à la santé de la population, et il y aura de nouveaux scandales Mediator si le problème des conflits d’intérêt n'est pas traité plus sérieusement.

 

 

S'agit-il d'un coup de com' du ministère, qui veut montrer son volontarisme au moment ou début le procès du Mediator ?

 

Les conflits d’intérêt expliquent pourquoi des décisions aberrantes sur prises par nos ministères, car c'est en suivant les recommandations des fameux « experts » qu'a été prise la décision de continuer à rembourser à 80% le Mediator alors que l'on savait qu'il était inefficace dans le traitement du diabète. Toute une flopée d'experts avaient alors expliqué qu'il était très important de continuer à rembourser... avec les dégâts que l'on sait. Ils étaient tous payés par les laboratoires Servier.

 

Comble de l'absurdité, l'ancien président de l'Agence du médicament Jean Marimbert remplacé il y a deux ans prétendait que pour être compétents en tant qu'experts et donner leur avis sur les médicaments, les professionnels devaient précisément être employés par l'industrie du médicament, pour savoir de quoi ils parlaient ! Ils jugent la qualité d'un médicament tout en étant payés par l'entreprise qui le commercialise.

 

Les experts sont payés comme conseils en même temps qu'ils exercent leur activité d'expertise. C'est invraisemblable, aucun juge n'a le droit d’être payé par une des parties. Dès la création de l'Agence de médicament en 1993, il a été établi que les experts devaient publier leurs liens d’intérêt, mais ils ne l'ont jamais fait car aucune sanction n'était prévue en cas de non respect de la règle.

 

Depuis l'affaire du Médiator, l'Agence du médicament (ANSM) a changé de président, et Dominique Maraninchi semble vouloir se battre contre les conflits d’intérêt,l'Agence commence à publier les liens d’intérêt sur Internet. Mais en pratique, environ 60% des experts seulement le font, et ils en reste encore 40% qui refusent toujours.

 

 (Propos recueillis par Julie Mangematin)

 

 


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21 mai 2013 2 21 /05 /mai /2013 18:29

CHRONOLOGIE - Mises en examen nombreuses, lenteurs procédurales et rebondissement incessants, l'affaire du Mediator a connu beaucoup d'étapes. Métro fait le point sur les dates clés du scandale sanitaire.

Un an après avoir été reporté pour cause d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le premier procès pénal du Médiator s'ouvre mardi devant le tribunal correctionnel de Nanterre. Près de 700 personnes attendent toujours réparation alors que les risques liés à ce médicament sont connus depuis près de dix ans. Retour sur les dates clés de ce scandale sanitaire.

  • 1976 : les Laboratoires Servier commercialise le Mediator (Benfluorex), destiné aux diabétiques en surpoids, mais largement prescrit comme coupe-faim.
  • 2003 : le médicament est retiré en Espagne et en Italie. Les autorités françaises attendent quatre années de plus, malgré des alertes dès 1998.
  • 2007 : l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) recommande de ne pas prescrire le Mediator comme coupe-faim.
  • 30 novembre 2009 : retrait du médicament pour risques de valvulopathie (déformation des valves cardiaques). Cinq millions de personnes l'ont utilisé.
  • 15 novembre 2010 : l'Afssaps évalue à au moins 500 les décès dus à ce médicament en 33 ans. Une autre estimation, révélée un mois plus tard dans le Figaro, évoque 1.000 à 2.000 morts.
  • 6 avril 2011 : Xavier Bertrand annonce la mise en place d'un fonds public d'indemnisation (créé le 4 août) pour "toutes" les victimes du Mediator et assure que Servier "paiera".
  • 29 avril 2013 : l'ancien pharmacien des laboratoires Servier, Alain Le Ridant, est mis en examen pour "tromperie et escroquerie".
  • 30 avril 2013 : le Fonds public d'indemnisation pour les victimes du Mediator a pour l'instant rendu 152 avis favorables sur les 7.935 demandes déposées auprès de cet organisme.
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21 mai 2013 2 21 /05 /mai /2013 18:26

À 91 ans, Jacques Servier préside toujours aux destinées du groupe pharmaceutique qu’il a bâti, même si plusieurs accidents cérébraux ont affaibli le capitaine d’industrie. Docteur en médecine et pharmacie, il fut pendant longtemps le symbole d’une réussite exceptionnelle avant que n’éclate le scandale du Mediator.

Ce fils d’industriel rachète en 1954 un petit laboratoire à Orléans, qui fabrique un sirop contre la toux. Avec un chiffre d’affaires de 3,9 milliards d’euros en 2012, la société, qui emploie 20 000 salariés, est aujourd’hui le deuxième laboratoire pharmaceutique français en termes de ventes. Jacques Servier fut longtemps un homme de réseaux qui a entretenu des liens étroits avec plusieurs hommes politiques. En 2009, il a été décoré de la grand-croix de la Légion d’honneur (le grade le plus élevé) par l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, longtemps conseil des laboratoires Servier lorsqu’il était avocat d’affaires.

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21 mai 2013 2 21 /05 /mai /2013 18:22
Affaire Mediator. Irène Frachon :

Affaire Mediator. Irène Frachon : "Ils ont basculé dans la pharmaco-délinquance"  

Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest

 

C'est grâce à son enquête que le scandale du Mediator a éclaté en 2009. Elle en a écrit un livre (1) et assistera au procès en tant que témoin.

 

Qu'attendez-vous de ce nouveau procès ?


D'abord, je ne suis pas sûr qu'il ait lieu (2). Il y a des menaces sur la tenue du procès, que la procédure soit renvoyée (comme l'année dernière, ndlr). Il se pourrait que les deux procès - de Nanterre et Paris - soient réunis dans l'éventualité où le procès de Paris ait bien avancé dans l'instruction et le volet «tromperie aggravée».

 

Quel serait alors l'intérêt de Servier ?


Dans le procès de Nanterre, seul le laboratoire Servier comparaîtra. Si tout se joue dans un seul et même procès puisqu'il y a beaucoup d'autres acteurs (voir page 2), ils pourront minimiser leur impact et mouiller tout le monde dans l'affaire, notamment les pouvoirs publics.

 

Les victimes vont-elles pouvoir obtenir réparation rapidement ?


C'est aussi l'intérêt de ce procès. Pour les victimes qui ont lancé une procédure au civil : elles doivent prouver la faute du laboratoire en plus d'une expertise médicale. Si le jugement du tribunal de Nanterre valide la faute de Servier, alors ça faciliterait les demandes d'indemnisation des victimes au civil. Et ça mettra fin au déni.

 

Selon vous, la responsabilité de ce scandale est-elle due à Jacques Servier uniquement ou à un ensemble d'acteurs ?


C'est la mise en place par un homme, Jacques Servier, d'une entreprise commerciale dévoyée et qui a basculé dans la pharmaco-délinquance.

 

Depuis quand savait-il que le Mediator était nocif pour la santé ?


En 1997, il sait qu'il est potentiellement dangereux. En 1999, il en est sûr. Avec l'appui de Jean-Philippe Seta (l'ex-numéro 2), Servier a fait passer une note à tous les employés où ils leur demandent de dissimuler la dangerosité du médicament. ça devient un acte prémédité. Ce n'est pas la faute à pas de chance.

 

Comment Servier a-t-il pu en arriver là ?


C'est un personnage… pathologique. Le mécanisme de tromperie de Servier ressemble à celle des PIP, initiée par Jean-Claude Mas. Ils ont l'air d'être respectables. Ce sont des actes de criminalité en col blanc : Cahuzac, Servier, Mas… Sauf qu'avec Cahuzac, il n'y a pas eu de morts.

 

Ce procès servira-t-il d'exemple pour éviter d'autres scandales sanitaires ?


Oui, j'espère qu'il va peut-être rappeler que le domaine de la santé est un sanctuaire. Là, aucun dérapage ne peut être toléré. La société doit condamner fermement les laboratoires Servier.

(1) Mediator, 150 mg (Éditions

Dialogues.fr, 150 p., 15,90€).

(2) Interview réalisée le vendredi 17 mai.

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17 mai 2013 5 17 /05 /mai /2013 18:02
 
 

Des peines de 6 à 8 mois de prison avec sursis ont été prononcées mercredi par le tribunal correctionnel de Marseille à l’encontre de cinq personnes pour avoir fabriqué et distribué des médicaments illégaux et parfois dangereux via une association, a-t-on appris auprès des avocats.

Les cinq personnes -deux pharmaciens, un médecin, deux personnes de l’association « Choisis la vie »- étaient poursuivies pour avoir fabriqué et distribué des médicaments illégaux prescrits à des personnes souffrant du cancer ou de la sclérose en plaques. Robert Gaillard, président de l’association « Choisis la vie » et son épouse Christiane, notamment accusés d’exercice illégal de la pharmacie, de tromperie et de mise en danger de la vie d’autrui, ont été condamné à six mois de prison avec sursis, des peines conformes aux réquisitions du parquet.

Une gamme de médicaments lancée par un médecin

Les trois professionnels de santé écopent de 8 mois de prison avec sursis sans interdiction d’exercer. Le parquet avait requis un an avec sursis et deux ans d’interdiction d’exercer à l’encontre des deux pharmaciens et un an avec sursis assorti d’un an d’interdiction d’exercer à l’encontre du médecin. L’association « Choisis la vie » est également condamnée à une amende 10 000 euros et les cinq condamnés doivent verser solidairement 5 000 euros de dommages et intérêts à l’ordre des pharmaciens qui s’étaient porté partie civile.

« Mes clients considèrent cette décision comme particulièrement bienveillante. Ils en sont satisfaits et ne feront pas appel », a indiqué Me Emmanuel Ludot, l’avocat des époux Gaillard et de l’association. « Professionnellement, je regrette que le Tribunal n’ait pas saisi l’occasion pour s’intéresser à la lutte contre le cancer autrement que par la dictature de la chimiothérapie », a-t-il ajouté.

Fondée en 1985 et installée à Messimy (Rhône), cette association diffusait des produits « Solomides », du nom d’un médecin décédé en 1979 qui avait lancé la gamme de médicaments « Vita », censés lutter contre certaines maladies dégénératives. Les médicaments, qui ne bénéficiaient pas d’autorisation de mise sur le marché, étaient présentés comme une thérapie parallèle, destinée à aider les patients à bout de solutions face à la maladie, auxquels l’association offrait également écoute et soutien psychologique.

Des produits sans AMM

L’enquête avait commencé en 2006 lorsque le centre de pharmacovigilance de Saint-Etienne avait alerté l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) sur la délivrance de médicaments sans autorisation de mise sur le marché à une jeune femme atteinte de sclérose en plaques. Cette patiente, atteinte d’une pneumocystose et d’une lymphopénie sévère, avait dû être hospitalisée d’urgence en réanimation.

Confiée à un juge d’instruction du pôle de santé publique de Marseille, l’enquête avait abouti au démantèlement du laboratoire où étaient fabriqués les produits. Certains produits de la gamme Vita contenaient des substances présentant des risques cancérigènes importants, comme l’uréthane.

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14 mai 2013 2 14 /05 /mai /2013 21:09

Le laboratoire pharmaceutique vient d'écoper d'une amende de 40,6 millions d'euros de la part de l'Autorité de la concurrence. En cause : des méthodes commerciales peu scrupuleuses.

 

L’Autorité de la concurrence a accumulé pendant trois ans des témoignages de médecins et de pharmaciens. (MAXPPP)

L’Autorité de la concurrence a accumulé pendant trois ans des témoignages de médecins et de pharmaciens. (MAXPPP)

 


 

L’Autorité de la concurrence a frappé Sanofi-Aventis d’une amende de 40,6 millions d’euros pour "abus de position dominante", a-t-on appris mardi 14 mai. Ce qui est reproché au laboratoire français ? Avoir mené auprès des médecins et des pharmaciens une "stratégie de dénigrement" à l’encontre des concurrents de son produit phare, le Plavix, 4e médicament le plus vendu dans le monde jusqu'en juillet 2008, date d'entrée sur le marché de ses équivalents génériques.

L’Autorité de la concurrence a accumulé pendant trois ans des témoignages de médecins et de pharmaciens. "Sanofi-Aventis a mis en œuvre une stratégie de communication globale et structurée dont l’objectif était d’influencer les médecins et les pharmaciens afin d’enrayer le mécanisme de substitution générique", explique-t-elle. De sorte que les médecins écrivent "non substituable" sur leurs ordonnances de Plavix, et que les pharmaciens ne remplacent pas le médicament breveté par une molécule concurrente... sauf par le Clopidogrel Winthrop, générique fabriqué par... Sanofi-Aventis !

Coût pour l'assurance maladie du remboursement du Plavix en 2008 : 625 millions d’euros. Pour protéger son produit phare, le laboratoire pharmaceutique a employé des méthodes peu conventionnelles décrites dans le rapport de 120 pages de l'Autorité de la concurrence.

 

 

Du "comportement assassin" à "l'hémorragie"

La Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) a recueilli des informations auprès de travailleurs salariés. Ainsi, dans la région de Champagne-Ardenne, le comportement de Sanofi est ainsi décrit :

Comportement anti-générique du visiteur médical auprès des pharmacies pour ne pas substituer le Plavix sauf si le générique est Wintrop. Parfois communication agressive : substituer (en dehors de l'autogénérique Wintrop) serait un comportement 'assassin'. Principal argument : la différence de sel. Communication du visiteur médical auprès des médecins pour encourager la pratique du 'NS' (non substituable, NDLR). Des cas de décès liés à la substitution du Plavix évoqués par le visiteur médical."

En Midi-Pyrénées, voici ce qui remonte à la Cnam :

En l'absence de tests sur le sel de clopidogrel des génériques, l'efficacité n'est pas prouvée."

En Nord-Pas-de-Calais :

Mise en danger des patients si pas de délivrance."

Dans deux pharmacies de la même région, Sanofi a avancé que "donner un générique peut provoquer des hémorragies du patient", indique une déléguée de l'assurance maladie. 

Dans le rapport de l'Autorité de la concurrence, ce type de témoignage s'accumule. Les enquêteurs ont notamment recueillis les propos directs de médecins et pharmaciens :

Ainsi, un délégué pharmaceutique de Sanofi-Aventis a affirmé auprès de la pharmacie 1..., située à Castelnau de Médoc, qu''il faut prendre de l'auto générique de chez Winthrop, sels identiques au Plavix, les autres génériques ne sont pas identiques, voire dangereux pour les patients'".

A Neuville-sur-Saône, un pharmacien a écrit un courrier de résiliation à Téva Santé, qui fabrique un générique concurrent du médicament de Sanofi-Aventis :

"Je soussigné .... annule ce jour ma commande de Clopidogrel TEVA suite à mon appel auprès de Laboratoire Winthrop, qui vient de m'informer du fait :

- De la non-substitution de Plavix dans 40% des indications (syndrome coronarien aigu)

- De la non-substitution de Plavix dans le cadre de l'association avec KARDEGIC,

- De la différence de sel entre princeps et le générique.

Ma responsabilité pharmaceutique et pénale étant engagée au dire de Winthrop en cas de problème chez un patient, je ne souhaite pas substituer ce générique."

Même type de déclaration dans une pharmacie de Notre-Dame de Bondeville, en Seine-Maritime :

Visite à la pharmacie des délégués médicaux de Sanofi (non connu) et Winthrop (délégué 'volant' non connu lui aussi). Les commerciaux m'ont expliqué que tous les génériques qui allaient sortir seraient d'un sel (le bésilate) différent du Plavix (hydrogénosulfate) sauf le clopidogrel Winthrop et qu'ils n'avaient pas la totalité des indications du Plavix, en particulier qui si il y avait une association avec l'aspirine seul le Plavix ou son générique de source (Winthrop) pouvaient être délivrés dans le respect de l'AMM."

Le docteur Caroline Y... chef de clinique en cardiologie à l'hôpital Bichat à PAris, a également indiqué le 14 avril 2011 :

Oui, on m'a dit qu'il fallait mettre 'non substituable'. C'est une visiteuse habituelle de Sanofi. Les excipients ne seraient pas les mêmes et il y aurait des cas de thrombose."

Le docteur Gilles J..., généraliste à Amiens, indique le 25 janvier 2010 :

Le discours tenu par les visiteurs se résumait à signaler l'arrivée du CLOPIDOGREL (générique du PLAVIX) sur le marché, mais dont le sel est différent du médicament princeps. Du fait de cette légère différence de fabrication, les visiteurs me précisent que la substitution dans le cas de l'artérite ne pose aucun problème, mais que la substitution dans le cadre du syndrome coronarien n'est pas recommandée, dans l'attente d'éventuelles études complémentaires concernant ce nouveau sel."

Selon l'Autorité de la concurrence, "ces témoignages montrent que les visiteurs médicaux de Sanofi-Aventis ont délivré un discours tendant à faire accroire notamment que l'absence d'indication SCA pour les génériques de Plavix résulterait d'un manque d'études complémentaires ou encore que le principe actif des sels de clopidogrel des génériques ne serait pas identique à celui de Plavix, ou enfin qu'il y aurait eu des problèmes sanitaires graves (cas de thrombose) dus au traitement sous générique.

Or, l'Autorité rappelle que les "différences évoquées en termes de sels et d'indications (...) n'ont en elles-mêmes aucune pertinence ou implication en matière de santé publique".

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14 mai 2013 2 14 /05 /mai /2013 19:40

par Jean-François Rosnoble

 

MARSEILLE (Reuters) - Une peine de quatre ans de prison ferme a été requise mardi à l'encontre de Jean-Claude Mas, le fondateur de la société Poly Implant Prothèse (PIP) qui est au coeur d'un scandale mondial d'implants mammaires emplis d'un gel non homologué.

Le procureur a également réclamé à son encontre 100.000 euros d'amendes et une interdiction définitive d'exercer une activité dans le monde médical ou sanitaire, ainsi que de gérer une entreprise commerciale ou industrielle.

"Il faut que vous réfléchissiez dans une cellule à cette triste odyssée commerciale", a déclaré Jacques Dallest en réclamant une "peine exemplaire".

Quatre autres cadres de PIP ont été condamnés à des peines allant de deux à quatre ans de prison assorties de sursis.

Le ministère public a laissé au tribunal le soin de fixer le montant de l'indemnisation à accorder aux victimes au titre d'un préjudice des consommateurs pour "utilisation d'un produit non conforme" et du préjudice d'anxiété.

Il a aussi demandé le rejet de constitution de partie civile de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qu'il n'a pas estimé victime de la tromperie.

Les cinq prévenus sont jugés jusqu'au 17 mai pour des faits de tromperie aggravée et d'escroquerie.

"C'est un procès sans précédent sur le plan humain, ce n'est pas une affaire franco-française mais une affaire planétaire. La grande majorité des porteuses sont de nationalité étrangère avec 71 pays concernés", a ajouté Jacques Dallest, indiquant que 7.445 porteuses de prothèses PIP s'étaient constituées parties civiles dans cette procédure.

"APPRENTI-SORCIER DES IMPLANTS MAMMAIRES"

L'affaire PIP, c'est aussi l'histoire d'un homme, Jean-Claude Mas, un "apprenti-sorcier des prothèses mammaires" présenté comme la "pierre angulaire du système".

"Se transformer en alchimiste en quête d'un produit impossible, c'est affligeant. Ce fameux gel, c'est de l'huile bricolée à la louche", a dit le procureur de Marseille.

L'ancien président du directoire Claude Couty a également été la cible d'une accusation qui voit en lui "le financier, l'homme des chiffres" qui avait le "pouvoir de dire non".

"Il a été le dernier à faire des victimes en étant le dernier à libérer des lots pour des raisons financières", a poursuivi Ludovic Leclerc.

Selon l'accusation, le secret préservé de la fabrication de ce gel, qui a perduré pendant plus de dix ans, s'explique en partie par la "lâcheté" de certains salariés, les menaces de Jean-Claude Mas et les situations de confort des cadres de PIP.

Les procureurs sont longuement revenus sur les mécanismes d'une firme où "l'on a vendu des implants comme n'importe quel autre objet", sans tenir compte de leur dangerosité.

Ils ont rappelé que le gel PIP était sept fois moins cher que le gel homologué, soit un coût de 9,90 euros par implant pour une économie globale estimée à un million d'euros par an.

"Chez PIP, le bénéfice est pour la société, le risque pour le patient", a résumé Ludovic Leclerc. "Non, les implants PIP ne sont pas comme les autres. Ils représentent un danger fondamental pour les autres."

Plus de 300.000 femmes auraient été porteuses dans le monde de prothèses de la société française créée en 1991.

Le gouvernement français avait recommandé, par précaution, le 24 décembre 2011, le retrait des implants PIP.

"J'ai trouvé le réquisitoire intéressant. Il a mis des mots sur ce que l'on vit, il a détaillé la fraude d'une manière bien réelle", a dit Alexandra Blachère, présidente d'une association de victimes qui revendique plus de 2.300 adhérentes.

Selon le dernier bilan de l'ANSM arrêté fin décembre, 14.990 femmes ont choisi de se faire retirer leurs implants PIP, soit à la suite d'un dysfonctionnement, soit à titre préventif. Au total, 5.048 femmes ont rencontré au moins un dysfonctionnement de leurs implants et 2.697 au moins un effet indésirable.

Edité par Yves Clarisse

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