Le Point.fr - Publié le 30/01/2013
Plus d'accidents qu'avec les pilules, moins d'efficacité contraceptive, un effet relatif sur l'acné et une molécule inquiétante. Un cocktail explosif...
Photo d'illustration. © Sipa
L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) vient enfin d'annoncer la suspension de Diane 35 et de ses génériques d'ici à trois mois. Ce médicament est pourtant sur le marché depuis une trentaine d'années, durant lesquelles les preuves de ses dangers se sont accumulées...
Ses dangers sont connus depuis dix ans
Aujourd'hui, on "découvre" qu'elle est dangereuse. Pourtant, les risques de phlébites et d'embolies qu'elle peut provoquer sont connus depuis plus de dix ans : sept fois plus que pour une femme sans traitement et trois à quatre fois plus qu'avec une pilule de deuxième génération. En 2003, le Journal de l'Association médicale du Canada mettait déjà en garde contre le cyprotérone, la molécule utilisée dans Diane 35. L'année précédente, la Commission de sécurité des médicaments britannique avait lancé le même avertissement, conseillant de ne pas dépasser trois à quatre mois de traitement et soulignant que ce médicament était contre-indiqué chez les femmes avec des antécédents de thrombose veineuse. Elle évoquait aussi un risque cardiaque majoré chez les femmes qui souffrent d'acné.
"Si la pilule était dangereuse, ça se saurait"
Un de ses dangers est sans doute qu'elle a été sous-estimée par les médecins et les patientes. L'histoire de Marjorie est un exemple très parlant. Jeune femme svelte à l'hygiène saine et sans tabac, elle prenait Diane 35 depuis ses 16 ans. Le gynécologue de sa mère lui avait prescrit comme première contraception. "Il y a une pilule qui est très bien et qui plaît aux jeunes filles, car elle traite en plus l'acné", lui avait-il expliqué. "Je n'avais pas spécialement de boutons, nous confie Marjorie, mais j'étais ravie !" Six ans plus tard, en juin 2006, la jeune femme se réveille un matin avec une vision floue, un fort mal de tête et des vomissements, puis son bras gauche s'engourdit. L'IRM qu'elle passera 24 heures plus tard révélera alors un accident vasculaire cérébral (AVC). Le rapport de l'hôpital mentionnera comme seul facteur de risque Diane 35, même si on ne lui dit pas explicitement que c'est la cause. "Depuis, je suis restée sept ans sans vraiment savoir, déplore-t-elle. Tous les médecins à qui j'ai expliqué cet accident m'ont ri au nez. Allons, si c'était la pilule, on le saurait, me disaient-ils. Aujourd'hui, poursuit-elle, je suis en colère. C'est hallucinant, cet énorme business et ce marketing : la présentation ressemblait vraiment à une plaquette de pilules. Et pour l'effet anti-acné, merci. Quand j'ai arrêté, j'ai eu pendant 18 mois des boutons partout comme jamais je n'avais eus !" Marjorie n'est pas un cas isolé, elle a d'ailleurs décidé de rejoindre les 200 autres victimes qui vont porter plainte contre Diane 35 et ses génériques.
Les accidents surviennent souvent la première année du traitement
L'Association des victimes de l'embolie pulmonaire a recueilli 500 témoignages d'accidents liés aux pilules dans lesquels Diane 35 figure en bonne place. Il s'agit souvent de jeunes filles qui ont commencé le traitement depuis quelques mois ou de mamans qui la prennent depuis des années avec des interruptions lors des grossesses. Or plusieurs études ont souligné une augmentation des risques durant la première année ou lors des reprises après des interruptions. Ainsi, Blandine a ressenti des essoufflements deux mois après avoir commencé Diane 35... puis des étourdissements, des palpitations, des pertes de connaissance et des vomissements. Elle est restée trois jours en réanimation à la suite d'une embolie pulmonaire. Son médecin traitant et le médecin de l'hôpital refuseront d'établir une déclaration de pharmacovigilance. Laetitia, quant à elle, a passé huit jours en réanimation cardiaque à la suite d'une embolie. Elle prenait Diane 35 depuis 12 ans avec des arrêts à chaque grossesse et ne fumait pas. Elle doit sa vie aux réflexes de son mari infirmier...
Insupportables maux de tête
Au-delà des risques vasculaires et thrombotiques, la liste des effets secondaires du médicament est longue. Les maux de tête "insoutenables", "à se taper la tête contre les murs", reviennent souvent dans les témoignages, sans pour autant vraiment alerter ni les femmes ni leurs médecins. La notice du médicament invite pourtant à arrêter le traitement et à consulter immédiatement "en cas de maux de tête importants et inhabituels" ou aussi en cas de "troubles visuels", d'une "élévation de la tension artérielle", d'une "douleur au mollet" ou d'une "difficulté respiratoire". Parmi les autres plaintes récurrentes des utilisatrices de Diane 35, on retrouve l'augmentation du taux de cholestérol, des problèmes circulatoires, de prise de poids, une anxiété inexpliquée, une sécheresse vaginale rendant les rapports douloureux et, pour couronner le tout, une libido en berne ! Rien d'étonnant quand on sait que l'acétate de cyprotérone, la molécule contenue dans Diane 35, est prescrit à hautes doses aux délinquants sexuels sous le nom d'Androcur (100 mg).
L'Androcur, même molécule, mêmes dangers
L'Androcur est parfois associé à Diane 35 pour en renforcer l'effet. Il est aussi souvent prescrit seul en association avec un oestrogène, ce qui équivaut alors à Diane 35 en plus dosée. Sa forme la plus courante (50 mg) a fait l'objet de 142 000 prescriptions, dont 23 % à visée contraceptive, reconnaît la Haute Autorité de santé (HAS) dans un avis qu'elle a publié le 19 décembre 2012 dernier. Malgré des effets indésirables lourds (tumeurs au foie, méningiomes multiples en cas d'utilisation prolongée, thrombose, AVC, humeur dépressive, affections du système immunitaire...), la HAS maintient le rapport bénéfice/risque favorable du médicament. Les indications thérapeutiques autorisées sont le traitement palliatif du cancer de la prostate et les cas de pilosité excessive chez la femme. Comme pour Diane 35, l'ambiguïté est entretenue sur son utilisation contraceptive dans la notice et une personne sur quatre prend donc ce médicament comme une pilule. Il est 25 fois plus dosé en acétate de cyprotérone que Diane 35.
Grossesses
Enfin, dernier risque présenté par Diane 35 et non des moindres : la grossesse non désirée. Ce médicament étant référencé uniquement pour le traitement de l'acné, aucune véritable étude sur son efficacité contraceptive n'a jamais été fournie. Alors qu'on leur avait prescrit comme contraceptif, de nombreuses femmes reconnaissent avoir été enceintes sous Diane 35. Un comble !